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criminelle, et par la bouche d’une suivante, elle parla au prince en ces termes. Prince, j’ai l’honneur d’être votre servante : je sais depuis longtemps que je ne le mérite par aucun endroit. Mais à quoi je n’avais pas fait attention jusqu’ici, c’est qu’apparemment je suis une voluptueuse. C’est sans doute moi qui suis cause que Votre Majesté contre les rits, paraît tous les jours si tard, et qu’on vous regarde comme un prince qui préfère son plaisir à son devoir. Cette réputation vous fait d’autant plus de tort, que la volupté de tout temps a passé pour être la source d’une infinité de désordres. Le mal, tel qu’il puisse être, vient de moi sans doute. Mettez-y ordre promptement je vous en prie, et réparez votre réputation en punissant la coupable.

Alors Suen vang rentrant en lui-même : Levez-vous, dit-il à son épouse ; reprenez vos ornements et votre place. Il est vrai que ma vertu ne répond point à ma dignité : mais c’est uniquement ma faute, et vous n’y avez point de part. Depuis ce temps-là Suen vang s’appliqua sérieusement aux affaires de son état. Il donnait audience depuis le grand matin jusqu’au soir, et il a eu la réputation et d’un grand prince.


Chin seng, fils aîné de Hien kong roi de Tsin, fut calomnié auprès de son père par la concubine Li ki ; et n’étant point à l’épreuve d’une accusation si mal fondée, il se donna lui-même la mort. Tchong eul frère de Chin sing, et comme lui fils de la reine, craignit qu’on ne lui jouât un tour semblable. Il sortit aussitôt du royaume avec une suite de gens choisis, dont le principal était Kieou fan. Ils se retirèrent dans le royaume de Tsi. Hoen kong qui y régnait alors, reçut volontiers Tchong eul : il lui donna un équipage de vingt chariots, le traita honorablement, et lui fit épouser Tsi kiang princesse du sang, Tchong eul content de son sort, ne pensait qu’à passer ainsi le reste de sa vie, et renonçait volontiers à son droit sur le royaume de Tsin. Kieou fan ne pouvait goûter cette indifférence de Tchong eul pour un royaume dont il était l’héritier, d’autant plus que depuis sa retraite, et la mort de Hien kong son père, arrivée peu de temps après, ce royaume avait déjà changé de maître plus d’une fois, et était actuellement en trouble. Un jour que Kieou fan et les autres de la suite de Tchong eul s’entretenaient sur cela dans un endroit à l’écart, et concluaient qu’il fallait absolument que ce prince quittât sa retraite, et s’en retournât dans son royaume, pour en prendre possession, une jeune esclave les entendit, et rapporta tout à Tsi kiang. Celle-ci fait aussitôt mourir l’esclave, et va trouver Tchong eul son mari. Prince, lui dit-elle, tous ceux qui vous sont attachés trouvent fort mauvais que vous vous borniez à vivre ici. Ils sont tous d’avis que vous quittiez Tsi pour aller régner en Tsin qui vous appartient. Hier ils délibéraient des moyens de vous engager à prendre enfin cette généreuse résolution. Une jeune esclave les entendit, et me vint tout rapporter. J’ai eu peur qu’elle n’en parlât à quelque autre, et qu’il ne survînt quelque obstacle à ce dessein. J’y ai mis ordre, elle ne vit plus. Le secret vous est assuré, vous pouvez partir sans bruit. C’est l’avis de vos fidèles serviteurs, suivez-le au plus tôt. Retournez en Tsi. Depuis que vous en