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Le même Ouang yang ming étant chez soi, dans la province de Tché kiang, une année que l’été fut fort sec, le tchi fou[1] du lieu lui écrivit, pour lui demander s’il n’avait point le secret de faire tomber de la pluie, ou s’il ne saurait point quelqu’un qui l’eût. Ouang yang ming ne répondit que de vive voix à la première lettre. Le lendemain le tchi fou lui écrivit encore avec plus d’empressement.

À cette seconde lettre, Ouang yang ming fit la réponse qui suit.

Hier deux de vos officiers Yang et Li me rendirent une lettre[2] que vous m’aviez fait l’honneur de m’écrire. Je trouvai qu’elle se réduisait à me demander un secret pour faire tomber de la pluie. Jamais je ne fus plus surpris et plus confus. Ma surprise et ma confusion ont beaucoup augmenté, quand j’ai reçu ce matin par Chin tsié votre seconde lettre, encore plus pressante que la première ; les voies de Tien sont obscures et bien au-dessus de notre portée. Qui suis-je moi, pour me piquer de les pénétrer et d’y voir clair ? Cependant vous témoignez tant de compassion pour les peuples, que je ne puis raisonnablement me dispenser de vous dire aussi ma pensée sur la matière dont il s’agit. Je prie depuis longtemps, répondit Confucius, dans une occasion que vous savez. En effet, la prière du sage ne consiste pas précisément à réciter dans le besoin quelques formules de prières, mais bien plus dans la conduite régulière qu’il a soin de tenir. Il y a déjà quelques années que vous êtes né dans le pays de Yué[3], n’avez-vous pas eu soin, de prier d’avance, en faisant ce qui a dépendu de vous, pour prévenir et adoucir les misères du peuple, pour le rendre heureux et content ? Auriez-vous différé jusqu’ici ? Non, sans doute. Cependant la pluie ne tombe point selon vos souhaits. Cela est vrai, mais enfin quel autre meilleur moyen pour l’obtenir.

Anciennement dans les grandes sécheresses, les princes retranchaient de leur table, et de leurs divertissements, élargissaient[4] les prisonniers, diminuaient les tailles, réglaient avec un nouveau soin les cérémonies, soulageaient par des largesses, ceux que la maladie et la pauvreté accablaient de douleur. Puis ils faisaient implorer partout, et imploraient eux-mêmes en faveur des peuples, l’assistance de Chan, Tchuen[5], Ché-tsi. Je trouve dans les anciens livres la cérémonie tsi en l’honneur de Tien, pour demander de la pluie. J’y trouve que les princes faisant un sévère examen de leur conduite, s’attribuaient les calamités publiques. J’y trouve que ces mêmes princes en reconnaissant leurs fautes, demandaient le temps de s’en corriger. Le Li ki, le Tchun tsiou[6], et les annales nommées Se ki ont grand nombre

  1. C’est-à-dire le gouverneur.
  2. Le chinois dit mot-à-mot : votre honorable instruction.
  3. Ancien nom du pays, qui est aujourd’hui la province de Tché kiang.
  4. Song, élargit les innocents et les moins coupables.
  5. Mot-à-mot : montagnes, rivières, territoires ou domaine de chaque prince ; c’est-à-dire les esprits tutélaires du pays. Figure ordinaire en chinois.
  6. Ces deux livres font mention de la cérémonie nommée Yu. C’était pour obtenir de la pluie : le Li ki dit qu’elle s’adressait à Ti. Les anciens livres mettent tantôt