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dents, et je suis à demi sourd. Pour répondre à l’ardeur que je vous vois, je passe les nuits à méditer. Malgré mon âge et mon application, je ne me trouve point exempt de vice ; comment pourrais-je être surpris qu’on ne me trouvât pas sans défauts ? On dit qu’il est du devoir d’un disciple, de cacher les fautes de son maître ; si l’on veut dire qu’il n’est jamais permis au disciple de corriger son maître, la maxime n’est pas vraie. Tout ce qu’il y a de vrai, c’est qu’il ne faut en cela, ni une franchise trop libre, ni une lâche dissimulation ; aidez-moi tous à perfectionner ce que je puis avoir de bon, et à déraciner entièrement ce que vous trouverez à reprendre en moi, afin que nous nous aidions mutuellement à avancer ; commençons par exercer entre nous, et les uns à l’égard des autres, le zèle que nous devons avoir pour la perfection du prochain.




Lettre d’exhortation du même Ouang yong ming à ses disciples.


Dans toutes les lettres que je reçois de vous, mes chers disciples, lesquelles sont assez fréquentes, vous témoignez tous beaucoup de repentir du passé, et beaucoup d’ardeur pour avancer dans la suite. C’est ce qui me donne une consolation et une joie que je ne saurais vous exprimer. J’en aurais encore davantage, si j’étais bien assuré que ce ne sont point des discours en l’air, et que chacun est en effet dans cette disposition. Ce que je souhaite surtout, c’est que chacun de vous voie aussi clairement les plus secrets replis de son propre cœur, qu’on voit en plein jour les objets les plus sensibles. Cela est de la dernière importance. Car comment se corriger de ses fautes et de ses défauts, si on ne s’en aperçoit pas ; au contraire, quand on est toujours attentif sur ses propres fautes, pour les corriger sur-le-champ, bientôt on est maître de son cœur. Quel est l’homme qui ne fait point de fautes ? Il n’y en a aucun, j’ose le dire, et le plus parfait est celui qui sait le mieux les corriger. Kiu pé you passait pour sage en son temps, cependant il arrivait que son application allait toute à tâcher de faire peu de fautes, et qu’encore il n’en était pas venu à bout. Tching tang et Confucius passent avec raison pour des sages du premier ordre. Cependant leur principale maxime était de travailler sans relâche à se corriger, et ils jugeaient que cette attention était nécessaire pour éviter de tomber dans des fautes considérables. J’entends dire assez communément : le moyen de ne faire aucune faute ! Il faudrait être un Yao, ou bien un Chun : mais il me semble, que quoique cela ait passé en proverbe, l’on ne parle pas selon l’exacte vérité. Ces paroles ne nous donnent pas l’idée de Yao et de Chun, tels qu’ils étaient en effet, et tels qu’ils se connaissaient eux-mêmes. Si ces deux sages rois s’étaient donnés pour exempts de toute faute, dès là même ils auraient été moins dignes du nom de sages. Aussi étaient-ils fort éloignés