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devenait cher à son père et à sa mère, agréable à ses parents, respecté de ses voisins : il serait, ce semble, plus excusable de pencher du côté du vice. Mais si c’est le contraire, comme ce l’est en effet : pourquoi acheter à ce prix le malheur d’être méchant, et vouloir à toute force préférer le vice à la vertu ? Pesez ce que je viens de vous dire, et vous comprendrez non seulement, que quand on aspire à la sagesse, il faut avant toutes choses une résolution sincère ; mais encore qu’il n’est pas si difficile de la prendre, et que rien n’est plus raisonnable.

Je demande en second lieu, une attention continuelle dans la pratique. C’est qu’en effet sans cela on se démentira bientôt ; et la résolution qu’on avait prise, quoique peut être fort sincère, ne sera pas ferme et constante. Aussi, dans le jugement que je fais de ceux qui me suivent, je donne le premier rang, non à ceux qui ont le plus d’esprit et de pénétration, mais à ceux qu’une attention continuelle sur eux-mêmes rend plus retenus et plus humbles. Il y a des gens qui vides de sagesse et de vertu, s’enflent pour en paraître pleins ; qui ne se sentant pas la force d’être solidement vertueux, portent une secrète envie à ceux qui le sont ; qui ont autant d’orgueil, qu’ils ont peu de vertu ; qui se préfèrent intérieurement aux autres, et qui par de vains discours tâchent d’imposer au monde, et de s’en faire estimer. S’il se trouvait parmi vous quelqu’un de ce caractère, quand d’ailleurs il aurait de l’esprit beaucoup au-dessus du commun, ne serait-il pas pour tous les autres un objet d’indignation et de mépris ? Au contraire il se trouve des personnes pleines d’une modestie et d’une louable réserve, qui, dans la crainte de se démentir, soutiennent leur première résolution par une constante pratique de la vertu, par une grande attention, et par une égale application à s’instruire ; qui reconnaissent avec sincérité leurs défauts, qui louent volontiers les vertus des autres, et qui tâchent de se corriger sur les bons exemples qu’on leur donne. Au-dedans ce n’est que respect et soumission pour leurs supérieurs, qu’affection et que droiture envers leurs égaux. Au-dehors, on les voit d’un commerce aisé, sans cependant jamais oublier une gravité modeste. Si quelqu’un parmi vous avait ces qualités, quand d’ailleurs il serait né avec peu d’esprit, qui de vous pourrait lui refuser son estime et son amitié ? Sans doute que chacun l’exalterait d’autant plus volontiers, qu’on le verrait sincèrement s’humilier soi-même. Pesez ce que je viens de dire. Cela suffit pour vous faire connaître la nécessité et la pratique de cette attention que je demande.

Je dis en troisième lieu, qu’il faut avoir sur ses défauts propres un zèle ardent et courageux. Avoir des défauts et faire des fautes, sont choses dont les plus sages ne sont pas exempts. Mais parce qu’ils savent se corriger, ils ne cessent pas pour cela d’être sages. C’est donc à chacun d’examiner si dans toute se conduite, il n’y a rien de contraire à la tempérance ou à la pudeur. S’il rend à ses supérieurs et à ses égaux tout ce qu’il leur doit, s’il remplit, par exemple, tous les devoirs d’un bon fils et d’un bon ami ; s’il ne lui échappe rien qui se ressente de la corruption du siècle, qui fait régner aujourd’hui presque partout l’artifice et l’injustice.