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moindre racine d’un vice si dangereux : sans cela vous n’avancerez jamais. Au reste il en est de l’orgueil, comme des autres maladies : Il ne se guérit que par son contraire, c’est-à-dire, par l’humilité. Mais ne vous y trompez pas : l’humilité que je prescris contre l’orgueil, ne consiste pas à prendre précisément à l’extérieur un air humble et réservé : elle doit être dans le cœur, et consiste à être intérieurement plein d’attention, de modération, de retenue, et d’envie de céder aux autres ; à faire peu de cas de ses propres vues ; à profiter volontiers de celles d’autrui ; enfin à se dépouiller de soi-même. Quiconque est humble de la sorte, sûrement il sera bon fils, bon frère, bon sujet. C’est cette vertu qui a fait Yao et Chun si parfaits. Ils la possédaient dans sa pureté et dans toute son étendue. Dans les éloges de ces princes, c’est toujours cette vertu qu’on loue sous différents noms. Travaillez donc à l’acquérir, vous qui aspirez à être sages. Mais ne vous y trompez pas, ce n’est pas une chose aisée. Il vous en coûtera de grands efforts, et vous avez surtout besoin de beaucoup d’attention sur vous-même.


Ouang yang ming étant à Long tchang, un grand nombre de lettrés se firent ses disciples. Pour répondre au désir qu’ils avaient de profiter sous sa direction, voici quatre leçons qu’il leur donna. Chacun de vous doit avoir, 1° Une résolution sincère d’aspirer à la vraie sagesse. 2° Une attention continuelle à prendre réellement et dans la pratique, les moyens de l’acquérir. 3° Sur ses propres défauts, un zèle ardent et courageux. 4° Sur ceux des autres, un zèle sage et modéré. Je dis qu’il faut avant toutes choses une résolution sincère. En effet, si sans une telle résolution, on ne peut réussir en rien, pas même dans les arts les plus mécaniques, peut-on espérer de réussir dans l’étude de la sagesse ? Pourquoi voit-on tant de gens, qui malgré la profession qu’ils font d’aspirer à la vraie sagesse, passent cependant les années entières, et quelquefois toute leur vie, sans faire aucun progrès ? Il n’en faut point d’autre cause. C’est qu’ils n’ont jamais formé sur cela une résolution bien sincère. Car c’est une vérité certaine, que celui qui veut tout de bon devenir sage, en vient à bout peu à peu. Il n’est pas jusqu’au plus haut degré de la perfection, où l’on ne puisse enfin atteindre, quand on est bien résolu d’y travailler avec constance. Au contraire, ce qu’est une barque sans gouvernail, flottante au gré des vents, et emportée par le courant des eaux ; ce qu’est un cheval fougueux abandonné à lui-même, et courant çà et là sans règle ; tel est celui qui n’a pas la résolution que je demande.

Quelques-uns ont fort bien dit : si quand on veut embrasser la vertu, c’était en même temps s’exposer à encourir l’indignation de son père et de sa mère, à essuyer les reproches de ses frères et de toute la parenté, à être haï ou méprisé de ses voisins, l’extrême difficulté rendrait un peu plus excusables ceux qui ne pourraient s’y résoudre. Mais au contraire en s’adonnant au bien, c’est un moyen assuré de mériter et de s’attirer la tendresse d’un père et d’une mère, la confiance de ses parents, l’estime et la bienveillance de ses voisins ; quelle excuse peuvent avoir ceux qui craignent de s’y déterminer ? Si en renonçant à la vertu, et prenant le parti du vice, on