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Chin yang par les Chinois, et Moukeden, par les Tartares Mantcheoux. On lui donna dès lors le nom de Tai tsou : c’est un nom commun à tous les conquérants, qui sont les premiers auteurs d’une dynastie ; et comme ses frères qui étaient en grand nombre avaient beaucoup contribué par leur valeur à la conquête de tant de pays, il leur donna des titres d’honneur ; il fit les uns tsin vang, les autres kiun vang, et pei lé : il a plu aux Européens d’appeler ces sortes de dignités, du nom de régulos, ou princes du premier, du second, et du troisième ordre. Il fut réglé alors que parmi les enfants de ces régulos, on en choisirait toujours un, pour succéder à son père dans la même dignité.

Outre ces trois dignités, ce même empereur en établit encore quelques autres qui leur sont inférieures, et qui se donnent aux autres enfants qui s’en rendent le plus dignes. Ceux du quatrième degré s’appellent pei tse, ceux du cinquième cong heou, et ainsi des autres.


Des princes du sang.

Ce cinquième degré est au dessus des plus grands mandarins de l’empire. Les autres qui suivent, n’ont pas, comme les précédents, des marques extérieures, qui les distinguent des mandarins, soit dans leurs équipages soit dans leurs habits : ils ne portent que la ceinture jaune, qui est commune à tous ces princes du sang, tant à ceux qui possèdent des dignités, qu’à ceux qui n’en ont pas : mais ceux-ci ont honte de la faire paraître, et ils ont coutume de la cacher, lorsque leur indigence les met hors d’état d’avoir un équipage convenable à leur rang et à leur naissance.

C’est pourquoi ce serait se faire une fausse idée des princes du sang de la Chine, si on les comparait à ceux d’Europe, et surtout de la France, où la suite glorieuse de tant de rois leurs ancêtres les élève beaucoup au-dessus des personnes mêmes les plus distinguées de l’État. Leur petit nombre leur attire encore plus d’attention et de respect, et ce respect s’augmente dans l’esprit des peuples, à proportion qu’ils approchent de plus près du trône.

Il n’en est pas ainsi à la Chine : les princes du sang touchent presque à leur origine : ils ne comptent que cinq générations ; et cependant leur nombre s’est tellement multiplié en si peu de temps, qu’on en compte aujourd’hui plus de deux mille : cette multitude en les éloignant du trône, les avilit, surtout ceux, qui d’ailleurs étant dépourvus de titres et d’emplois, ne peuvent figurer d’une manière conforme à leur naissance : c’est ce qui met une grande différence entre les princes du même sang.

La pluralité des femmes, fait que ces princes se multiplient extrêmement ; mais à force de se multiplier, ils se nuisent les uns aux autres : comme ils n’ont point de fond de terre, et que l’empereur ne peut pas donner des pensions à tous, il y en a qui vivent dans une extrême pauvreté, quoiqu’ils portent la ceinture jaune.

Sur la fin de la dynastie des Ming, il y en avait plus de trois mille familles dans la ville de Kiang tcheou, dont plusieurs étaient réduites à l’aumône. Le bandit qui s’empara de Peking, et qui passa par cette ville, se défit de tous ces princes, en les faisant presque tous passer par le fil de l’épée : c’est ce qui rendit déserte une partie de la ville.