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nouvelle de la mort de Hoang hien fou. Quelle perte ! La vraie sagesse est depuis longtemps négligée. Rien de plus rare, que des gens qui l’estiment véritablement, et qui s’y appliquent. Ceux qui font sérieusement leur occupation de l’étude de la sagesse, sont si rares, qu’ils sont regardés du commun des hommes, comme des espèces de prodiges. Le nom de sage est encore en vogue : le monde est plein de gens qui s’en parent ; mais le nom est tout ce qu’ils veulent : leurs désirs, leurs soins, leurs actions, leurs instructions mêmes à leurs enfants, tout n’est que vanité ou intérêt : et s’ils parlent de sagesse, ce n’est pas qu’ils y aspirent, c’est pure parade et ostentation : sur dix qui en parlent, il y en a huit ou neuf qui ne le sont que du bout de lèvres. Surtout c’est une chose aujourd’hui bien rare de trouver des pères assez sages, pour préférer à tout intérêt et à toute inclination naturelle, le soin de faire avancer leurs enfants dans le chemin de la vraie sagesse. C’est ce que sut faire, malgré le torrent, Hoang hien fou, dont j’apprends la mort. Quelle perte, hélas ! Puisque l’éloignement des lieux ne me permet pas d’aller pleurer près de son cercueil, et d’y témoigner combien sa mort m’afflige, je veux y suppléer en quelque sorte par cet écrit. Au reste, en faisant connaître le zèle de Hoang hien fou pour l’avancement de son fils dans les voies de la sagesse, ma vue n’est pas seulement de témoigner publiquement l’estime que ce zèle m’avait donné pour sa personne, et le regret que j’ai de sa mort, c’est aussi de proposer à tout l’empire ce beau modèle d’un amour vraiment paternel, et d’animer son fils mon disciple, à répondre parfaitement aux intentions d’un si sage père.

Le même répond à une question que lui faisait un ami de Ouang yang ming : cet ami lui écrivit un jour en ces termes : Je vois des gens qui raisonnent fort sur ce que Confucius et Yen tse ont entendu par l’expression Lo[1]. Oserais-je vous prier de m’en écrire votre pensée ? Ce plaisir ou cette joie, dont parlent Confucius et Yen tse, est-ce la même chose que ce mouvement du cœur, qu’on compte pour une des sept affections dont il est capable, et qu’on appelle communément joie. Si Confucius n’entend que cela, il me semble que cette joie n’est pas un privilège du sexe, et que les gens du commun en sont tous capables. S’il s’agit d’une joie toute autre, bien plus pure et plus solide, que le sage, dit-on, conserve au milieu des événements les plus tristes et les plus terribles, il y a un autre embarras ; car Confucius dit aussi, et bien d’autres après lui, que le sage doit être incessamment sur ses gardes, et dans une espèce de crainte et d’appréhension continuelle ; il semble que cela est bien plus propre à donner de la tristesse, qu’à causer du plaisir.

Voici quelle fut la réponse de Ouang yang ming.

Cette joie dont parle Confucius, c’est le cœur même jouissant du plaisir de se posséder. Ainsi quoique ce plaisir, dont parle Confucius, soit aussi compris sous ce genre de joie, qu’on compte pour l’une des sept affections, il ne doit pas être confondu avec aucune autre espèce de plaisir, comprise

  1. Lo signifie joie, satisfaction, plaisir.