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plus puissants princes de leur temps s’empressaient pour ainsi dire, à leur témoigner de l’estime.

Les seconds sont ceux, qui, après avoir paru dans le monde, et même dans les emplois, sentant la difficulté de se maintenir et de s’avancer sans se démentir, et sans donner quelque chose aux abus et à la corruption du siècle, se sont démis de leur charge, et se sont retirés de la vue du prince, mais en lui laissant et à tout le monde une si bonne opinion de leur mérite et de leur vertu, qu’ils ont toujours été regrettés.

Les troisièmes sont ceux qui naturellement timides, ne se croyant pas les talents nécessaires pour réussir dans les emplois, vivent retirés à leur campagne, mais s’y comportent de manière, que bien loin de se faire mépriser par leur retraite, ils font juger qu’elle est l’effet de leur sagesse et de leur vertu. Le premier de ces trois ordres l’emporte de beaucoup sur les deux autres ; et ce n’est que de celui-là dont parle Confucius avec éloge.

Outre ces trois ordres, dont chacun a son mérite, il y a une quatrième espèce de gens, qui, également artificieux et intéressés, cherchent à se faire passer pour gens de vertu, par une retraite affectée ; ils seraient bien fâchés qu’on les y laissât. Leur vue est de rendre tout le monde plus attentif à ce qu’ils peuvent avoir de talents, de se faire comme rechercher, et de s’abréger par là le chemin aux premiers emplois. Leur artifice a-t-il réussi ? Sont-ils en place ? Leur prétendu détachement disparaît bientôt. J’expose ces différents caractères, afin qu’on ne s’y trompe pas, et qu’on n’estime en ce genre, que ce qui est estimable.




Petit discours[1] sur le silence, dont l'auteur est Ouang yang ming. Il le rapporte lui même, et raconte à quelle occasion il le tint à Leang tchong yong.


Leang tchong yong était un homme, qui joignait à un esprit au-dessus du commun, des inclinations nobles et relevées. A peine fut-il tseng sse[2], qu’il se sentit piqué d’une généreuse ardeur de se signaler dans quelque importante charge. Un jour qu’il roulait ces pensées dans son esprit, rentrant tout à coup en lui-même : j’ai tort, dit-il, c’est trop tôt vouloir gouverner les autres. Comment y pourrais-je réussir, n’ayant pas encore appris à me bien gouverner moi-même ? Après cette réflexion, il ne pense plus qu’à se bien étudier lui-même. Il s’appliqua à rechercher ce

  1. Ce discours et ce qui suit, est tiré, non de la compilation de Tang king tchuen, mais des œuvres de Ouang yang ming, qui vivait sous la dynastie Ming.
  2. Nom de degré de littérature.