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raison. C’est, dit-il, que je craindrais de cesser d’être bon fils. Y penses-tu, dit le père, tu toucheras les appointements de ministre, et je n’en serai que mieux : tu en rempliras les devoirs, et par là tu te feras honneur et à moi aussi. C’est ton avantage et le mien : accepte, je le veux ainsi. Chin min obéit, le voilà ministre. Au bout de trois ans, Pe kong se révolte. Se ma tse qu’on lui opposa d’abord, fut défait et perdit la vie. Chin min courut au secours. Son père, pour l’arrêter, lui dit : quoi, vous m’abandonnez ainsi, pour aller chercher une mort certaine ? Un homme en place, répondit Chin min, se doit soi-même à son prince, et ne doit que ses appointements à son père et à sa mère. Je sers le prince, vous l’avez voulu : je sacrifie ma vie pour lui. Après quoi, il marcha à la tête d’un corps de troupes, et serra de près les rebelles. Pe kong, qui connaissait Chin min, dit à un de ses officiers nommé Ché ki : nous voici dans une mauvaise situation. Chin min est habile et brave : il nous tient ici comme bloqués. Que faire ? Voici un expédient, dit Ché ki. Chin min s’est rendu célèbre, comme vous le savez, par la piété envers son père. Il faut se saisir du père. Alors le fils pour le sauver, pourra écouter des propositions avantageuses que vous lui ferez. Pe kong détache aussitôt des gens, qui par adresse saisirent le père. Puis il envoya dire à Chin min : partageons Tsou entre nous deux, si vous le voulez, j’en suis très content. Sinon, j’ai entre mes mains votre père, il perdra la vie. Chin min répondit, fondant en larmes : J’ai été d’abord bon fils ; je suis maintenant ministre fidèle : puisque je ne puis en ce moment accorder les deux devoirs, je sers le prince ; et mon devoir exige de moi tout ce que je puis faire pour lui. Il charge aussitôt les rebelles, les défait, et tue Pe kong : mais on tua aussi son père. Le prince voulut récompenser son ministre d’un présent de cent livres d’or. Chin min les refusa, et dit : ne pas s’exposer à tout pour son prince, ce n’est pas être bon sujet, encore moins ministre zélé. Mais en sauvant le prince et l’État, causer la mort à son propre père, ce n’est pas être assez bon fils. Puisque je n’ai pas su accorder ces deux devoirs ensemble, avec quel front paraîtrais-je encore parmi les hommes ? En finissant ces paroles, il se donna lui-même la mort.


Tang king tchuen rapporte encore d’autres exemples de ces espèces de héros, qui se sont ainsi donné la mort, pour ne pas survivre à un prétendu déshonneur, et il se contente de dire une fois : il me semble qu’un homme ne doit point se donner la mort, s’il n’a rien à se reprocher.

Il s’est trouvé de tout temps, dit Song ki, des gens qui ont pris le parti de la retraite. Mais on en peut distinguer des espèces bien différentes. Je les réduits toutes à quatre ; trois bonnes et une mauvaise.

Les premiers sont ceux qui ayant toujours vécu retirés, ont eu une vertu si fort au dessus du commun, qu’ils n’ont pu la tenir cachée. Oui, l’on en a vu de ces hommes, qui enfoncés dans les montagnes ou dans les déserts, étaient cependant connus et respectés généralement de tout le monde à cause de leur vertu. L’honneur qu’ils fuyaient, les poursuivait ; et les