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De la noblesse.


La noblesse n’est point héréditaire à la Chine, quoiqu’il y ait des dignités qui restent dans quelques familles, et qui se donnent par l’empereur, à ceux de la famille qu’il juge avoir le plus de talents. L’on n’y a de rang qu’autant qu’on a de capacité et de mérite. Quelque illustre qu’ait été un homme, fut-il même parvenu à la première dignité de l’empire, les enfants qu’il laisse après lui, ont leur fortune à faire ; et s’ils sont dépourvus d’esprit, ou amateurs de leur repos, ils ramperont avec le peuple, et seront souvent obligés d’embrasser les plus viles professions.

Il est vrai qu’on peut succéder aux biens de son père, mais on ne succède ni à ses dignités, ni à sa réputation ; il faut s’y élever par les mêmes degrés que lui : c’est pourquoi ils font leur capital de l’étude la plus constante, et ils ne manquent guère de s’avancer de quelque condition qu’ils soient, quand ils ont de la disposition aux lettres. Aussi voit-on tous les jours à la Chine des élévations de fortune non moins surprenantes, que celles qui se font quelquefois en Italie pour les ecclésiastiques, où des gens de la plus basse extraction, peuvent aspirer à la première dignité du monde chrétien.


De ses degrés.

Tout est peuple, ou lettré, ou mandarin à la Chine. Il n’y a que ceux de la famille régnante qui soient distingués ; ils ont le rang de princes, et c’est en leur faveur qu’on a établi cinq degrés de noblesse titulaire, à peu près semblables aux titres qu’on donne en Europe, de ducs, de marquis, de comtes, de barons, et de seigneurs.

On accorde ces titres aux descendants de la famille impériale, tels que sont les enfants de l’empereur, et ceux que l’empereur fait entrer dans son alliance, en leur donnant ses filles en mariage. On leur assigne des revenus propres à soutenir leurs dignités, mais on ne leur donne aucun pouvoir : il y a cependant d’autres princes qui ne sont point alliés à la famille impériale, soit qu’ils viennent des dynasties précédentes, soit que leurs ancêtres aient acquis ce titre, par les services rendus à l’empire. Les provinces ne sont gouvernées que par les mandarins envoyés par l’empereur, qui nomme immédiatement aux principaux emplois, et qui confirme ceux qui les font tirer au sort, comme nous l’avons dit ailleurs, après les avoir fait venir en sa présence, et les avoir examinés par lui-même.

L’empereur qui règne aujourd’hui n’est que le troisième de ceux qui ont régné depuis 99 ans sur toute la Chine et la Tartarie ; mais il est le cinquième si l’on remonte jusqu’à son bisaïeul, et son trisaïeul.

Celui-ci après avoir subjugué son propre pays, conquit encore toute la Tartarie orientale, le royaume de Corée, et la province de Leao tong, au-delà de la grande muraille, et établit sa cour dans la capitale appelée