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Parallèle des deux courtes dynasties Tsin et Souy.


L’illustre dynastie Tcheou étant tombée en décadence, vint ce triste et malheureux temps, qu’on appelle le temps des guerres. Il ne finit qu’à Tsin chi hoang, qui ayant subjugué les autres princes, prit le titre d’empereur, et commença la dynastie nommée Tsin. De même, quoique dans des temps bien postérieurs, la dynastie Tsin étant éteinte, il y eut comme deux empires, l’un au midi, l’autre au nord ; et cela dura jusqu’à Souy ven ti, qui sut réunir les deux ; et alors commença la dynastie Souy. Tsin chi hoang, et Souy ven ti, étaient des princes qui avaient de la bravoure, de l’habileté, des talents, et de l’esprit, beaucoup au-dessus du commun. Leurs commencements eurent quelque chose de plus éclatant, que ce qu’on a vu depuis. Il n’y a qu’à lire leurs expéditions militaires, on verra le soin qu’ils prirent de placer leur cour dans un lieu avantageux et les fortifications dont ils se munirent, pour pouvoir se défendre. On verra aussi qu’étant devenus maîtres de l’empire, ils ne songèrent à rien moins qu’à le perpétuer dans leurs familles. Il arriva qu’il en sortit à la seconde génération. D’où vient cela ? C’est qu’en tout ils s’éloignèrent des règles de l’antiquité. Premièrement, au lieu de se borner à une inspection générale seule digne du souverain, ils voulurent tout gouverner immédiatement par eux-mêmes. En second lieu, ils fondèrent leur gouvernement sur la rigueur et les châtiments, et non sur les lois et sur la vertu. En troisième lieu, ils se privèrent de ce qui pouvait être leur plus ferme appui. Enfin ils confièrent leur héritier à des gens mal choisis, qui n’étaient rien moins qu’attachés à leurs personnes et à leurs familles. Il n’est[1] que trop ordinaire aux souverains de se décharger sur autrui de tout ce que le gouvernement a de pénible, de manquer d’application, et de s’adonner à leurs plaisirs. Quand le souverain qui est à la tête est de ce caractère, tout le corps de l’État s’en ressent et c’est par là communément qu’on voit tomber les plus grands empires.

Les deux princes, dont je parle ici, sont une exception en ce genre : c’est par une voie toute contraire, qu’ils ont commencé de se perdre. Toujours dans la crainte que quelqu’un à leur exemple ne pensât à devenir maître, ils voulurent, pour parer à ce malheur, régler et décider tout par eux-mêmes, jusqu’aux moindres bagatelles. Leurs ministres et leurs autres officiers n’avaient aucune autorité, ni aucune part au gouvernement. Ils expédiaient quelques dépêches, et c’était tout. Toujours traités avec fierté, s’ils venaient à déplaire au prince, ils étaient aussitôt punis d’une manière honteuse et dure. Aussi s’embarrassaient-ils peu d’autre chose, que

  1. Il reprend ces quatre points et les explique un peu plus au long.