Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/840

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prince éclairé, juste, débonnaire, qui n’a point d’autre règle de ses actions que la pure et droite raison, et qu’aucune affection ne préoccupe ; Ainsi je lui décharge mon cœur.

Grâces à Votre Majesté ma famille est suffisamment élevée ; mon principal soin doit être de la soutenir dans l’état où elle est, et d’en prévenir la décadence. C’est ce que j’ose espérer de pouvoir faire sous un règne si heureux. Que si je puis espérer avec le temps de grands emplois et de plus hauts titres, je suis bien aise d’y parvenir par mon désintéressement, par mes talents, par mon assiduité, et mes services : je vous avoue franchement, grand roi, qu’il serait peu de mon goût de les devoir à l’alliance, dont vous pensiez m’honorer. Au reste, ma vue, en vous exposant ma peine, n’est pas seulement de vous découvrir mes vrais sentiments, et de pourvoir à ma propre sûreté ; c’est aussi de vous faire connaître les maux que de semblables alliances causent actuellement dans d’autres familles. Je supplie Votre Majesté d’examiner ce qui en est, mais surtout de m’en dispenser. Laissez, je vous en conjure, laissez les petits oiseaux voltiger gaiement avec leurs semblables. Laissez les vermisseaux multiplier en paix leur espèce et tout honorable que m’est votre choix, daignez, s’il vous plaît le révoquer. Que si Votre Majesté refuse d’exaucer mon humble prière, je me couperai plutôt les cheveux, je me mutilerai moi-même, ou m’enfuirai au-delà des mers. L’empereur ayant lu cet écrit, qui s’était fait par son ordre, s’en servit pour faire aux princesses des réprimandes, et s’en divertit en particulier.




Des eunuques, et autres, qui abusent de l’autorité que leur donne la faveur du prince.


DISCOURS DE NGEOU YANG SIEOU
célèbre auteur de la dynastie Song


De tout temps les eunuques en crédit ont été regardés comme une peste de l’État. Ils y sont encore un peu plus à craindre que les femmes, c’est beaucoup dire. Ils sont souples, artificieux, et patients. Ils savent donner adroitement certaines preuves de vertu en choses qui leur coûtent peu, pour se faire estimer du prince. Ils profitent à propos de certaines occasions dans le fond peu importantes, de témoigner à leur maître quelque attachement et quelque fidélité, pour s’attirer sa confiance. L’ont-ils une fois gagnée ? ils se dédommagent : ils conduisent le prince à leur gré, soit par de vaines terreurs, soit par de fausses espérances, qu’ils lui inspirent. Le prince a beau avoir à la cour des gens habiles, vertueux, zélés ; il les regarde comme étrangers, en comparaison de ses