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de moi une si méchante opinion ? — Vous n’avez pas bien pris ma pensée, dit alors Confucius d’un air plus ouvert. Il y a plus d’une espèce de violence et d’oppression, de cruauté, et de larcin. Les emplois qui dépendront de vous, donnez-les à des gens habiles et vertueux : les en priver en y mettant ou en y laissant les méchants et les gens qui y sont peu propres, ce serait violence. Permettre que des gens qui ont quelque habileté et même quelque vertu, s’en prévalent, pour accabler ceux qui en manquent ; ou bien vous-même en user ainsi, ce serait oppression. Être peu exact et peu attentif à instruire et à diriger vos subalternes, et être cependant sujet à la colère, et très prompt à les punir, ce serait cruauté. Vous attribuer ce qu’un autre aurait fait de bien et lui en enlever la gloire, ce serait larcin et ce larcin même n’est pas si rare parmi ceux qui passent pour honnêtes gens. Croyez-vous donc que, pour être coupable de larcin, il faille avoir pris les habits ou l’argent d’autrui ? Souvenez-vous bien de ce qu’on dit : un bon magistrat respecte les lois, et les doit garder à l’avantage des peuples. Un méchant fait servir ces lois à l’oppression de ces mêmes peuples. Rien n’est plus vrai. De là tant de murmures et d’imprécations. Équité, désintéressement, deux points essentiels. Ils sont du devoir du magistrat, et ils sont aussi sa sûreté. Laisser tomber ce que les autres font de bien, ou le cacher, c’est mal fait. Mais découvrir et publier leurs défauts, c’est encore faire plus mal. Jamais on ne perd à faire valoir ce que chacun a de bon, et communément on y gagne. Au contraire on ne gagne rien à publier les défauts d’autrui, et presque toujours on s’en trouve mal. Aussi le sage ne parle-t-il qu’avec beaucoup de circonspection. Faites y attention, et soyez bien persuadé qu’en préjudiciant à un autre, on ne gagne rien pour soi-même.


Yang tchu étant un jour avec le roi de Leang, discourait sur le gouvernement des États. Il avança et soutint que c’était une chose fort facile. Mon maître, lui dit le roi, vous n’avez qu’une femme et une concubine, et je sais que vous ne sauriez les gouverner. Cependant, à vous entendre, le gouvernement d’un État serait pour vous une bagatelle. Prince, répondit Yang chu, tout cela est vrai, et ne se contredit point. Un seul berger, la houlette en main, conduit avec succès cent brebis : que deux bergers veuillent en conduire une[1], ils auront de la peine à y réussir. Mais ne savez-vous pas ce qu’on dit si communément : les grands instruments de musique ne valent rien pour des vaudevilles ; les grands poissons nagent en grande eau. Tel qui échoue dans de petites choses, peut réussir dans les plus grandes.


Hoen kong demanda un jour à son ministre Koan tchong, ce qui était le plus à craindre dans un État. Koan tchong répondit : Prince, à mon avis, rien de plus à craindre que ce qu’on appelle rat de statue. Hoen kong n’entendant pas l’allégorie, Koan tchong la lui expliqua. Vous savez qu’en bien des endroits on érige des statues à l’esprit du lieu. Ces statues

  1. Il indique que la femme voulait aussi gouverner la concubine à sa manière.