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Yng tsong fut à peine monté sur le trône, qu’un grand officier en faveur, voulant perdre Tsai yang qu’il haïssait, rapporta au nouvel empereur, que Tsai yang avait fait tout l’imaginable, pour empêcher que Gin tsing ne le choisît pour son successeur. Yng tsong transporté de colère contre Tsai yang, allait le perdre : Ngeou yang qui était en place, l’en empêcha par une remontrance faite à propos. — D’où savez-vous, prince, lui dit-il, que Tsai yang vous a été contraire ? est-ce par ouï-dire seulement ? Ou bien avez-vous de lui quelque écrit qui vous le persuade ? Quand vous en auriez des preuves par un écrit signé de sa main, je conseillerais encore à Votre Majesté de n’y pas donner facilement une entière créance. Les histoires des dynasties précédentes nous apprennent que des eunuques en faveur, ont abusé plus d’une fois de la crédulité des princes, pour perdre des gens de bien, par des écritures contrefaites. Combien moins faut-il compter sur de simples bruits et sur des ouï-dire ? Yng tsong sur cette remontrance, s’apaisa, et négligea l’accusation.


Sous un autre règne, Yuen fou ennemi de Tseou hao, dans le dessein de le perdre plus sûrement, composa sous le nom de Tseou hao, une remontrance insolente, capable d’irriter extrêmement le prince, et la fit passer à l’empereur. Sous notre dynastie même[1], Ché kiai ayant fait des vers à la louange de Fou pi, où il laissa échapper quelque raillerie, qui tombait sur certain Hia tsou ; celui-ci, pour se venger, dressa une jeune esclave à contrefaire l’écriture de Che kiai. Quand cette esclave l’eut bien imitée, Hia tsou lui fit écrire sous le nom de Ché kiai certaines lettres, suivant lesquelles on eût dit que Fou pi et Ché kiai tramaient une révolte générale à la cour et dans les provinces. Bien en prit à ces deux grands hommes d’avoir un prince éclairé comme Yng tsong : sans cela ils périssaient par les plus infâmes supplices. Hélas ! plus nous avançons, plus le monde se corrompt ; et ce détestable artifice de contrefaire les écritures, devient aussi plus commun. On en use aujourd’hui assez souvent, jusque dans les affaires les plus ordinaires, où il s’agit d’assez peu de chose. Combien plus est-il à craindre que l’ambition, que l’envie, que la vengeance n’y aient recours pour perdre des innocents ? A l’occasion de Hoai dégradé, j’ai été bien aise de rapporter ces faits, pour inspirer sur un point si délicat toute la précaution possible.


Hien kong roi de Tsin avait une concubine nommée Li ki qu’il aimait éperdument, et dont il avait un fils nommé Y you. Li ki conçut le dessein de faire succéder son fils, et pour cela de faire périr le fils aîné de la reine, nommé Chin seng, prince déjà âgé, et déclaré héritier de la couronne depuis bien des années. Comme Hien kong aimait tendrement Chin seng, lequel de son côté s’acquittait parfaitement de tous les devoirs d’un bon fils, Li ki jugea que pendant qu’il serait à la cour auprès du roi son père, elle

  1. C'est un auteur de la dynastie Song qui parle.