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principale, à mon sens, est d’agir peu et toujours sans empressement. Un prince qui n’ordonne point trop de choses, est obéi dans tout ce qu’il ordonne. Quand il y a peu de lois, on les garde mieux, et cela épargne aux sujets beaucoup de fautes. Laisser un peu le monde au large, et compatir à la faiblesse de ceux qu’on gouverne, ce sont des maximes d’une vraie sagesse et d’une éminente vertu. Le prince parfait n’agit presque point, et tout son État est dans l’ordre. C’est l’idée que le Chi king et le Chu King[1] nous en donnent.

L’empereur Tching vang donnant à Pe kiu la principauté de Lou, le fit venir en sa présence, et lui fit l’instruction suivante. Vous voilà prince, lui dit-il ; mais savez-vous les devoirs et les maximes d’un prince ? En voici une de la dernière importance. D’un côté il lui faut de la majesté, pour tenir dans le respect ceux au-dessus de qui son rang l’élève. D’un autre côté il faut dans les sujets de la liberté à donner à propos des avis aux princes, cela peut lui épargner bien des fautes. Pour concilier ces deux choses, admettez avec facilité les remontrances ; écoutez-les ; lisez-les tranquillement. Ne rebutez, ni ne menacez jamais ceux qui les font, mais aussi ne vous y rendez pas trop facilement : pesez-en bien les paroles, pour en tirer avec choix ce qu’il y aura d’utile ; le tout avec gravité, pour qu’on ne vous perde pas le respect ; mais en même temps avec douceur, pour gagner le cœur de vos officiers. Voilà ce que j’appelle savoir régner.


DES MINISTRES D’ÉTAT
ET
DES GÉNÉRAUX D’ARMÉE.


Il y a eu de tout temps, dit Li te yn[2], une grande différence entre le prince et son ministre. Celui-ci a toujours été au-dessous de celui-là ; mais anciennement il n’y avait pas de l’un à l’autre cette énorme distance qu’on voit aujourd’hui. Si nous remontons jusqu’aux trois fameuses dynasties, nous y trouvons des ministres, à qui jamais le prince n’envoyait ordre de venir chez lui. Tching tang avait cet égard pour Y yn ; Kao tsong pour Fou yué ; Vou vang, pour Tchao kong. Ces princes traitaient d’abord ces sages, ou comme des amis, ou comme des maîtres ; puis ils les traitaient en ministres.

Dans l’antiquité moins reculée, les choses changèrent, mais ce changement après tout ne fut pas extrême. Les princes traitaient encore avec

  1. Anciens livres chinois.
  2. Il vivait sous la dynastie Tang.