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La troisième des années nommées Kia ting, Tching te sieou présenta à Hing tsong qui régnait alors la remontrance suivante.


On dit, et il est vrai, qu’il y a dans l’univers une raison qui ne s’éteint point, qui est enracinée dans le cœur de l’homme, qui est toujours la même dans tous les temps, et qui fait que certaines choses sont condamnées par tout le monde, au moins intérieurement, et d’autres universellement approuvées. Depuis que le monde existe, il y a eu en divers temps bien du désordre. Il a été si grand sous certains règnes, que les lois étaient sans vigueur, et les méchants osaient tout tenter sans crainte et sans honte. Alors la corruption faisait à la vérité que des passions particulières étaient comme le ressort du gouvernement. Mais cette corruption n’éteignait point, du moins dans le plus grand nombre, la lumière qui condamnait ce désordre. Ces sentiments comme universels et communs à tous les hommes, sont, dit fort bien Leou ngan chi, des rayons de cette lumière et de cette raison naturelle, qui nous vient de Tien ; elle ne s’éteint jamais cette lumière. Qui veut ouvrir les yeux, l’aperçoit. Elle subsiste toujours cette raison ; reste à écouter quand elle parle, surtout quand elle le fait par la voix de tous, ou de presque tous les hommes.

Dans les années nommées Hi ning, Ouang ngan ché devenu ministre, fit certain nouveau règlement. Comme il était très préjudiciable, tout le monde se récria fort. Ouang ngan ché dont le règlement accommodait la cupidité du prince, eut le crédit de faire casser quelques-uns de ceux qui firent des remontrances ; mais il ne put fermer la bouche ni à ceux-là, ni aux autres. Il fut constamment désapprouvé.

Dans les années nommées Chao hing, on parla de paix et d’alliance avec les Kin. Le passé avait appris qu’il n’y avait aucun fond à faire sur ces traités, et qu’ils étaient pernicieux par bien des endroits. La plus grande partie de ceux qui composaient le Conseil y fut contraire : Tsin ouei, auteur de cet avis qu’on rejetait, put bien abuser de l’autorité du prince, dont il s’était depuis longtemps rendu le maître, pour faire mourir quelques-uns des contradicteurs. Mais il ne put empêcher que tout l’empire ne désapprouvât également et son projet, et sa vengeance. On eut beau se récrier contre le règlement de Ouang ngan ché, l’avarice du prince l’autorisa : aussi ce prince acheva-t-il de ruiner ses peuples. En vain on représenta contre la prétendue paix avec les Kin ; Tsin ouei l’emporta sur tout le Conseil. Tout le fruit qu’on en tira, fut de rendre ces barbares beaucoup plus fiers et plus hardis à nous nuire. Tant il est vrai que la raison parle ordinairement par la voix commune, et qu’il est important de la respecter.