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aussitôt il en fait profession ouverte. Mais s’il la pratique quelque temps, on le voit bientôt se démentir. Dès que l’occasion le favorise, il passe au crime. C’est ce que sut faire en son temps le fameux scélérat Ché hien. Quand ces gens ont bien lié leur partie, et qu’ils connaissent à fond le faible du prince, ils en profitent. Ils le mettent entre deux extrémités, dont l’une est ce qu’ils prétendent ; l’autre, quelque chose qu’ils savent bien n’être pas du goût du prince, et ils le conduisent ainsi à leur but comme malgré lui. Tel a été l’artifice de bien des scélérats des siècles passés. Tel fut en particulier celui de l’ambitieuse et artificieuse Li ki, quand, pour faire périr le prince héritier de Tsin, elle demanda permission à Hien kong de se retirer.

Un prince éclairé, qui a bien pénétré tous ces caractères, connaît dès les premières démarches les vues qu’on se propose : et persuadé que plus on prend soin de les cacher, moins elles sont droites, il n’est jamais plus sur ses gardes, que quand il n’aperçoit point le motif qui fait agir ou parler. Sous le gouvernement de nos anciens rois, on ne voyait dans les emplois que des personnes d’une vertu reconnue ; les autres étaient dans l’obscurité ; est-ce que parmi ces derniers il n’y en avait pas quelques-uns qui cherchassent à s’avancer ? Il y en avait sans doute ; mais à peine se produisaient-ils, qu’on les pénétrait ; de sorte que honteux et confus, ils se condamnaient eux mêmes à la retraite ; heureux, si ce que je viens d’exposer, peut aider tant soit peu mon prince à distinguer sûrement les gens vertueux et capables, de ceux qui ne sont ni l’un ni l’autre.


AUTRE DISCOURS DU MÊME SOU TCHÉ.


Comme un homme en crédit et en autorité a quelque espèce de ressemblance en certain point avec le favori ambitieux, le commun des hommes les confond ; et la juste haine qu’on a pour l’un, s’étend ordinairement jusque sur l’autre. C’est que le commun des hommes ne regarde que l’extérieur, et n’examine point à fond les choses. L’un et l’autre font des coups hardis, qui donnent ou semblent donner atteinte à l’autorité du souverain. En voilà assez pour que le vulgaire surpris par les apparences, les confonde mal à propos. Pour moi, je mets entre ces deux espèces de gens une grande différence ; et reconnaissant avec tout le monde que la seconde est une peste dans l’État, je crois au contraire qu’il est très bon que l’empire ne soit jamais sans quelqu’un de la première. L’homme accrédité, quand il s’en trouve, blâme plus sincèrement, et plus librement que personne, les excès de l’ambitieux favori : et les coups qu’il fait quelquefois, ne sont jamais tels, qu’un ambitieux et ingrat favori en puisse autoriser sa conduite. Un ambitieux qui abusant de