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leur sont communs, et que le secours mutuel qu’ils se donnent, est très prompt. C’est ce qu’on ne voit point aujourd’hui.

Quelqu’un qui se trouve dans l’oppression, ou dans un besoin pressant, porte-t-il ses plaintes, ou expose-t-il ses droits à la cour ? C’est comme s’il s’adressait à Tien ou à Kouei chin ; il ne voit point venir de réponse. Les ministres et les autres grands officiers n’examinent point par eux-mêmes les choses à fond ; ils s’en reposent sur des subalternes. Ce sont communément des âmes basses et intéressées, qui ne font rien qu’à prix d’argent ; leur donne-t-on ? On est expédié en moins d’un jour. Vient-on à eux les mains vides ? Ils font traîner l’affaire une année entière. Demandez-vous les choses du monde les plus justes, et qu’on ne peut vous refuser ? On trouve moyen de vous les faire bien attendre pour vous obliger à les acheter. Enfin pour les moindres bagatelles il faut de l’argent, ou rien ne finit.

Sous quelques dynasties précédentes, il y eut des temps où les lois mal digérées, et peu en vigueur, donnaient lieu aux friponneries et aux injustices. Aujourd’hui que cette porte est fermée, on en ouvre une autre. On trafique des lois mêmes. Veut-on qu’un homme ait tort ? On cherche dans l’étendue de nos lois quelque article, auquel on puisse, sous quelque spécieux prétexte, réduire son affaire et le condamner. Veut-on favoriser un autre, dont on est grassement payé ? Quelque mauvaise que soit l’affaire, on la tournera de manière, que, sur quelques articles de nos lois dont on la rapprochera, on lui donnera gain de cause. On se plaint fort maintenant de la multitude des affaires. Ce n’est pas que réellement il y en ait plus, qu’il n’y en a eu en bien d’autres temps. C’est que les grands officiers ne sont ni laborieux, ni expéditifs ; qu’ils se reposent de tout sur les gens qu’ils ont sous eux, et que ceux-ci les font traîner exprès, jusqu’à ce qu’ils en aient tiré ce qu’ils prétendent. Par là les affaires s’accumulent de jour en jour, de mois en mois, d’année en année, et l’on a peine à en voir la fin. Rendez vos officiers laborieux et expéditifs ; sans cela point de remède.

Une des choses que nos anciens rois craignaient le plus, c’était que quelqu’un de leurs sujets ne perdît courage, ne désespérât de réussir, et n’abandonnât entièrement le soin de son honneur et de sa fortune. Ils savaient, ces sages princes, que quand on en est venu là, on n’est point méchant à demi, et que communément l’on devient incorrigible. C’est pourquoi un de leurs plus grands soins était de faire en sorte, que leurs sujets toujours animés par le désir et l’espérance, ne se lassassent point de bien faire. Dans cette vue ayant établi divers degrés de distinction, et divers emplois, auxquels étaient attachés des appointements considérables, ils ne les donnaient qu’à des gens capables ; mais ils n’en excluaient personne, et ils animaient au contraire tout le monde à y aspirer. Le chemin de ces honneurs et de ces emplois était ouvert à tous leurs sujets ; ceux qui n’y parvenaient pas, ne pouvaient s’en prendre qu’à leur lâcheté ou à leur faiblesse. Aussi voyait-on dans tous les ordres de l’État, non seulement une grande ardeur à