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leurs plus grands officiers, que par l’embarras de cent cérémonies trop humiliantes et trop incommodes. Il montre que ce qu’il y a eu de plus grands empereurs dans l’antiquité et dans les temps postérieurs, en ont usé autrement.

Il est vrai, dit-il, que l’antiquité recommande aux souverains une gravité digne d’eux, et une attention continuelle sur leurs actions et sur leurs paroles. Mais il est vrai aussi que certains lettrés peu judicieux, en abusant des textes anciens, nourrissent l’orgueil des princes... Ce qu’il voit, dit-il, de plus pressé dans l’état d’indolence et de paresse, où sont tous les membres de l’empire, c’est que Sa Majesté qui en est le chef, se réveillant, et se renouvelant elle-même, donne le mouvement à tout le reste. Il propose en particulier cinq articles en ces termes.

1° Les ministres et les grands officiers de guerre sont sans contredit après le souverain, ceux de qui dépend le plus le bonheur ou le malheur des États. Il me semble que V. M. devrait les appeler souvent en sa présence, et raisonner avec eux sur les affaires. Ces conseils fréquents qu’elle tiendrait, produiraient de bonnes vues : du moins Votre Majesté en tirerait cet avantage, qu’elle connaîtrait à fond ceux dont elle se sert.

2° Les tai tcheou[1] tse, ce sont ceux à qui vous confiez le soin de vos peuples dans les provinces. Il serait bon que quand ils changent, ou pour aller ailleurs, ou pour se retirer, ils fussent obligés de venir en cour, et que V. M. eût un temps pour les admettre, et pour les interroger sur les coutumes et les mœurs du lieu qu’ils quittent, sur les affaires les plus embarrassantes qui s’y trouvent, sur ce qui leur a le plus servi à s’en tirer. Outre que ces connaissances pourraient vous être très utiles, vous découvririez par là les vrais talents des magistrats.

3° De tout temps nos empereurs ont certains officiers réglés, dont l’emploi est de les entretenir utilement, de leur lire et de leur expliquer nos King. Depuis longtemps cela s’omet si facilement, ou se fait si mal, qu’on n’en tire aucun profit. Rien cependant de plus sagement établi et de plus utile, s’il se pratiquait comme il faut. Je voudrais donc que V. M. au lieu de nommer ces officiers, comme elle fait, sans grand choix et précisément pour la forme, choisît des gens propres à cette fonction ; et qu’eux de leur côté, sans se borner à une froide et ennuyeuse leçon des King, sussent, à l’occasion de ces textes, entretenir V. M. de tout ce qu’il y a de plus curieux et de plus utile dans l’histoire de tous les temps.

4° Quand parmi les avis ou les mémoires qui nous viennent des provinces, il s’en trouve qui pour le fond et pour la forme sont au-dessus du

  1. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui tchi fou, premier officier d’une ville du premier ordre pour le civil. Il y a toujours dans son ressort plusieurs villes du second ou troisième ordre ; quelquefois plus, quelquefois moins, dont les officiers lui sont subordonnés.