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liu, il ne peut manquer de s’en trouver qui soient d’un tendre lascif. De même quelques lois et quelques règlements qu’on fasse, il s’y trouvera toujours des inconvénients. Nos anciens sages le voyaient bien : aussi leurs lois et leurs règlements se réduisaient à un très petit nombre. Pour le reste ils comptaient sur la sagesse et sur la vertu des gens qu’ils mettaient en place. Le prince doit apporter tout le soin possible à bien choisir son premier ministre : mais après cela il doit avoir une vraie confiance en lui, et l’en bien convaincre. Si le ministre sent que son prince se rend impénétrable à son égard, il sera dès lors timide et sur la réserve : on ne profitera qu’à demi de ses talents, et rien de grand ne se fera.

Cela est d’autant plus nécessaire aujourd’hui, que si un ministre veut remettre les choses sur un bon pied, il y trouvera de grands obstacles dans cette lâche indolence, qui a gagné tous les membres de l’État, qui fait qu’on ne pense qu’au jour présent, et qu’on s’inquiète peu de l’avenir. Il faut qu’un ministre en ces circonstances, ait le courage de s’élever au-dessus des idées communes, et de bien des usages mal établis. Il ne peut le faire sans ouvrir un grand champ à l’envie, à la médisance, à la calomnie ? S’il ne voit à fond le cœur de son prince, osera-t-il s’y opposer ?

Dans un autre article Sou ché dit : Quand l’empire n’est pas bien tranquille et qu’il y a du mouvement, chacun profite de l’occasion pour faire valoir ses talents. De là il arrive assez souvent, que ceux qui ont de la bravoure ayant divers intérêts, cherchent à se perdre les uns les autres, et ceux qui n’ont que de l’habileté, se détruisent et se supplantent plus sourdement. Les partis peu à peu se fortifient, et achèvent enfin de mettre le désordre et la confusion dans tout l’empire. Quand la paix y est rétablie, un nouvel empereur est instruit que les troubles passés ont été causés par l’ambition de certaines gens d’un mérite plus qu’ordinaire. Pour éviter de semblables malheurs, il ne se sert que de gens naturellement doux, timides, sans ambition, mais aussi sans grande capacité. Que s’ensuit-il ? C’est qu’au bout de quelques années, s’il arrive le moindre embarras, le prince n’a pas un homme dont il puisse rien espérer. Et quand rien n’arriverait sitôt, du moins tout languit insensiblement, et le gouvernement devient si faible, que tout est à craindre pour l’État.

Les sages du premier ordre ont une méthode bien différente. Dans la plus longue et la plus profonde paix, ils savent tenir en haleine les esprits, et animer leurs sujets à faire chacun le bien dont ils sont capables. Ils ouvrent pour cela différentes routes conformes aux différentes inclinations des hommes. Chacun entre avec plaisir dans quelqu’une, chacun agit, se remue, travaille, anime celui-ci par un motif, celui-là par un autre. Tous cependant en cela même servent le prince et l’État. Ouvrir ainsi différentes voies, pour mettre en action vos sujets, c’est ce qui presse aujourd’hui, vous ne sauriez commencer trop tôt. Tout ce qu’on peut vous dire de contraire, est facile à réfuter.

Sou ché, dans le reste de cet article réfute une maxime outrée sur la bonté et l’indulgence propre du souverain, et l’abus que quelques