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tous les membres de ce grand corps sa nouvelle activité ; afin que tous sentent qu’il agit, et qu’ils doivent agir sous lui.

Quand j’examine dans l’histoire la décadence des Han occidentaux, je trouve que ni la tyrannie, ni la débauche, n’y eurent aucune part. Les princes, sous qui elle arriva, n’avaient point ces vices ; mais ils étaient d’une paresse et d’une indolence extrême. Ils aimaient si fort leur repos, que, pour s’épargner les soins et le travail de quelques mois ou de quelques années, ils exposaient l’État et leur maison à des malheurs de plusieurs siècles. Le prince est dans l’État ce que le Ciel est dans cet univers. Tchong tchi[1] commentant le livre Y king, et parlant des propriétés du Ciel, fait surtout remarquer son activité constante, son mouvement sans interruption. En effet, c’est cette action si constante et si réglée, qui maintient en état ce bas monde. Le soleil et la lune qui sont la lumière, les autres astres qui sont ses ornements, les tonnerres qui sont comme sa voix, les pluies et les rosées qui sont comme ses bienfaits ; tout cela, dis-je, sont des effets de l’action et du mouvement. Et si le Ciel était sans action et sans mouvement, je crois que cette masse immobile se corromprait elle-même, et ne pourrait subsister longtemps : bien moins pourrait-elle influer sur tout le reste.

Si notre prince, sur ce modèle, prenant un heureux essor, se montrait un de ces jours brillant d’une lumière toute nouvelle et qu’armé d’une fermeté heureusement redoutable, il fît bien connaître à tous ses sujets, qu’il ne veut pas porter en vain le titre de souverain ; et que pour le bien de l’empire qui lui est soumis, il veut agir et qu’on agisse ; aussitôt ce qu’il y a de gens éclairés s’empresseraient à l’aider de leurs conseils ; ce qu’il y a de gens de courage se présenteraient pour le servir aux dépens de leur propre vie ; ce serait à qui seconderait le mieux l’activité du souverain, et tout dès lors deviendrait possible. Mais tandis que le prince ou indolent ou irrésolu, ne laisse point voir ce qu’il veut, ou plutôt laisse assez voir qu’il ne veut rien ; ses officiers fussent-ils des Liu, des Tsi, ou des Ki, que peuvent-ils faire ? C’est pour cela que je commence ce mémoire par demander dans le souverain de l’activité, et une volonté déterminée à régner réellement, et à gouverner son empire. J’exposerai dans les articles suivants ce qui me paraîtra le plus essentiel pour le faire avec succès.


Sou ché, après avoir blâmé les princes, qui, pour quelques inconvénients changent aisément les lois et les règlements établis, dit :

Ceux qui donnent des conseils, sont des lettrés d’une érudition pédantesque, qui se fondent, en les donnant, sur quelque exemple particulier de l’antiquité. Pour moi, bien que dans nos lois, telles qu’elles sont aujourd’hui, je crois voir quelque défaut ; ce n’est pas de là, ce me semble, que vient le mauvais succès du gouvernement c’est du choix des gens qu’on met en place. Il en est des lois et des règlements dans un État, comme des cinq sons dans la musique : dans les combinaisons des cinq sons avec les six

  1. C’est Confucius.