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hao voulut profiter de cette négligence, il se jeta avec un gros parti sur Yen ngan, King yuen, Ling fou, et autres pays. Les troupes qu’on opposa à ce rebelle, furent défaites jusqu’à trois ou quatre fois. Malgré ces pertes, et les levées plus grandes qu’il fallut faire, on n’entendit pas dans tout l’empire le moindre murmure. La guerre finit assez heureusement, et n’eût aucune fâcheuse suite. Pourquoi cela ? C’est qu’on connaissait le prince, et qu’on savait qu’il aimait la paix. C’est que bien plus clairement que les peuples, Tien ti et Kouei chin voyaient que cette guerre n’était point une guerre de cupidité, d’ambition, et de caprice, mais de pure nécessité.

Tien vous a donné beaucoup de bravoure, et un génie étendu ; vos vues vont à augmenter les richesses et les forces de votre empire. A peine fûtes-vous sur le trône, qu’on vous vit curieux de belles armes, empressé à vous en bien fournir. Les États voisins et vos sujets attentifs à vos actions et à vos discours, en conclurent que vos inclinations étaient pour la guerre. Ceux que vous aviez alors pour ministres, le virent assurément comme les autres : mais ou peu éclairés, ou peu zélés, ils n’eurent point soin de s’opposer avec sagesse à ces inclinations naissantes ; bien moins encore les Kiu mi[1]. Les censeurs mêmes se turent, et ne vous donnèrent pas sur cela le moindre avis. Ainsi s’est fortifiée sans obstacle votre inclination guerrière : sont venus ensuite sur les rangs Siue kiang et Hoan kiang, gens naturellement inquiets : ils vous ont proposé diverses expéditions, comme avantageuses et dignes de vous : quelques autres qu’ils avaient gagnés, ont appuyé ces desseins. On a fait la guerre. On s’est épuisé pour la soutenir : on a été fréquemment battu. Enfin les guerres des années nommées Kang ting et King li, qu’on a toujours déplorées, ne furent pas à beaucoup près si funestes que celle-ci. Tien irrité, les peuples outrés, les soldats des frontières mutinés, la cour en tumulte et en alarme, V. M. elle-même réduite des mois entiers à ne faire qu’un repas par jour, encore bien tard. Voilà où aboutirent ces expéditions dont on vous promettait tant d’avantage et tant de gloire. D’où vient cela ? C’est que vous avez vous-même cherché la guerre, sans que rien vous y obligeât, et vos troupes étaient moins animées contre l’ennemi, que contre vous.

Au reste, tout affligeantes qu’étaient d’un côté ces pertes, c’était d’un autre côté une grâce singulière, qu’en considération de vos ancêtres vous faisait Hoang tien, pour vous faire rentrer en vous-même. Hélas ! Elle vous fut inutile cette grâce. Il se trouva auprès de vous certains génies superficiels, peu capables de pénétrer le fond des choses. Leurs discours et vos inclinations qu’ils flattaient, ne vous laissèrent voir dans ces défaites que de la honte. Vous voulûtes absolument vous en laver par quelque victoire. De là les expéditions de Hi ho, Mei chan, et Yu lou. Elles vous réussirent à la vérité moins mal que les précédentes. Mais peut-on compter

  1. Ainsi se nommaient alors certains officiers qui composaient un Conseil pour les affaires de la guerre.