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faites-moi couper la tête, comme à un homme qui aura manqué de respect à Tien, et qui aura trompé son prince. Que s’il arrive qu’en effet vous vous trouviez bien de mes conseils, bien loin que j’en attende la récompense, je me reconnaîtrai toujours coupable, d’avoir plus osé[1] que mon rang ne me permettait.


Chin tsong ayant reçu cette carte, et cette supplique, l’examina sans la montrer à personne, et poussa de grands soupirs à bien des reprises : puis mettant ces écrits dans la manche, il se retira dans l’intérieur du palais. Toute la nuit il ne dormit point. Dès le lendemain il donna ses ordres conçus en dix-huit articles, qui remplissaient parfaitement ce que proposait Tching kié ; ce qui causa parmi le peuple de grandes acclamations de joie et de reconnaissance. Chin tsong en donnant ces ordres, publia une déclaration, où il s’accusait lui-même avec beaucoup de modestie, et prescrit qu’on lui donnât des avis. Le troisième jour il tomba une pluie très abondante, qui se répandit fort au loin. Les ministres étant entrés pour en féliciter l’empereur, il leur montra la supplique et la carte de Tching kié. Il joignit à cela une réprimande, dont ils le remercièrent à genoux. Ouang ngan ché, quelques jours après, demanda à se retirer. On sut pourquoi, et quel avait été le délateur. Aussitôt Tching kié fut en butte aux créatures de Ouang ngan ché. On découvrit que le tour qu’il avait pris pour faire passer ses avis à l’empereur, avait été d’envoyer un courrier à la manière des yu sseë. On suscita les yu sseë à en demander justice. Tching kié perdit son emploi, fut envoyé magistrat à Yng tcheou, et bientôt les impôts revinrent.

Dans le recueil d’où l’on tire ces pièces, après celle qu’on vient de traduire, on en met une de Sou ché[2], présentée au même empereur Chin tsong. Sou ché le ménage bien moins que n’a fait Tching kié. Ce discours est divisé en trois points. Dans le premier, il prouve que le prince n’est puissant, qu’autant qu’il a le cœur de ses sujets. Il expose ensuite, avec la dernière liberté, tout ce qu’on disait du gouvernement, pour faire connaître à Chin tsong, qu’il n’avait pas le cœur des siens. Enfin il l’exhorte à faire ce qu’il faut pour le gagner. Tout ce point roule sur la même matière qu’a touché Tching kié, savoir sur les nouveaux impôts et les nouveaux règlements de l’invention de Ouang ngan ché. Dans le second point Sou ché exhorte Chin tsong à faire régner les bonnes mœurs et la vertu dans l’empire. Il dit que de là sa force et sa durée dépendent plus que de toutes les richesses. Il le prouve par l’histoire. Un moyen qu’il propose entre autres, c’est d’éloigner des emplois les gens sans vertu, eussent-ils d’ailleurs du talent. Cela est encore contre Ouang ngan ché et ses semblables. Le troisième point est sur le maintien des lois. Il appuie principalement sur l’utilité des remontrances. Il gémit sur ce que les tribunaux de tout temps établis

  1. Pour faire passer sa carte et sa supplique à l’empereur, il avait usé d’une voie réservée aux seuls yu sseë.
  2. Il était fils de Sou siun, auteur du portrait de Ouang ngan ché, qu’on a traduit ci-dessus.