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Portrait de Ouang ngan ché par Sou siun. Celui-ci voyant que Ouang ngan ché dont il avait fort méchante idée, s’avançait à la cour, et était sur le point d’y obtenir les premiers emplois, fit le portrait du personnage, et l’envoya secrètement à Tchang ngao tao, qui était en place, pour lui faire entendre qu’il était important, que Ouang ngan ché ne fût pas plus élevé, et ne devînt pas ministre d’État.


Dans les affaires de ce monde, certains effets suivent si naturellement de certaines causes, que je tiens qu’on les peut prédire comme à coup sûr. Mais il n’y a qu’un homme hors de rang, et bien tranquille, qui le puisse faire avec succès. Quand des vapeurs forment un cercle autour de la lune, chacun dit, nous aurons du vent. Quand on voit suer les pierres, chacun dit, il va pleuvoir. D’où vient que d’un de ces effets les plus ignorants concluent l’autre ; et que dans les affaires du monde, souvent des gens d’ailleurs très éclairés, n’aperçoivent pas la liaison naturelle de certains effets à certaines causes ? C’est qu’au dehors des intérêts de fortune nous troublent : on a ses prétentions, on a ses craintes. Au dedans des préjugés formés par les passions nous occupent. On a pour celui-ci de l’inclination, et de l’aversion pour celui-là.

Autrefois Chan kiu yuen ayant observé Ouang yen, prononça sans hésiter, qu’il tromperait tout l’empire, et rendrait malheureux les peuples. Kuo fuen yang ayant examiné Lou ki : Si jamais, dit-il, cet homme réussit et s’avance, c’est fait de notre postérité. O ! qu’on peut aujourd’hui prononcer bien plus sûrement sur les suites comme infaillibles qu’aurait l’avancement de certain homme[1] ! Car enfin, suivant ce que l’histoire rapporte de Ouang yen, c’était à la vérité un homme habile à se contrefaire, né avec un certain air de politesse et de douceur, dont il abusait pour surprendre et gagner ceux auxquels il avait intérêt de plaire. C’était un hypocrite et un fourbe ; mais il n’était ni avide, ni malfaisant. S’il y avait eu un prince moins faible que Hoei ti qui régnait alors, Ouang yen n’aurait excité aucun trouble.

Pour Lou ki, c’était véritablement un très méchant homme, et capable de tout entreprendre : mais il n’avait ni science, ni politesse. Son air, ses discours, ses manières n’avaient rien de gagnant. Il fallait un prince aussi

  1. Ouang ngan ché.