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fameux par sa sagesse et son équité. Il y est dit qu’un fils qui tue le meurtrier de son père, pourvu qu’il aille sur-le-champ se déclarer aux magistrats, ne doit point être jugé coupable. S’il y a des magistrats, répond Ouang ngan ché, en état de le recevoir et de l’entendre, pourquoi ne pas recourir à eux pour en obtenir justice ? Non, il n’y a point d’apparence que ce règlement soit de Tcheou kong. Ouang ngan ché dans cette même dissertation, supposant que c’est une chose permise, et même un devoir pour un fils, de vouloir que la mort de son père soit vengée, propose en finissant cette question. L’empire est en trouble ; les lois n’ont point lieu. Un fils poursuit le meurtrier de son père. Ceux qui sont les plus forts dans ces troubles, et qui ont par là le pouvoir en main, soutiennent tellement le meurtrier, que ce fils ne peut sans périr, venger la mort de son père. Que fera-t-il ? Doit-il prendre le parti de mourir en vengeant la mort de son père, ou bien celui de renoncer à cette vengeance pour ne pas laisser[1] son père sans postérité. Pouvoir venger la mort de son père, et ne le pas faire, c’est ce qui ne s’accorde pas avec la tendresse d’un bon fils. Pour venger la mort de son père, éteindre sa postérité ; c’est ce qui est contraire à la parfaite piété filiale. Mon sentiment[2] est cependant que le meilleur parti à prendre est celui de vivre, et de soutenir la confusion qu’il peut y avoir à laisser impunie la mort de son père. Conserver toujours dans le cœur le désir de la venger, s’il était possible, sans périr ; voilà tout ce qui dépend raisonnablement de l’homme : que cela soit possible ou non, c’est de Tien que cela dépend. Se vaincre soi-même, et respecter Tien, sans jamais oublier son père ; qu’y a-t-il en cela de blâmable ?

  1. Ceci suppose que ce fils est unique, et n’a point d’enfant mâle. Cependant Ouang ngan ché ne l’exprime point dans l’exposition du cas.
  2. On sent ici combien la philosophie demeure au-dessous du christianisme. Demandons à Ouang ngan ché : se vaincre jusqu’à renoncer volontairement au désir de venger la mort de son père, se remettre à ce que vous appelez Tien d’en tirer vengeance ou non ; ne serait-ce pas se vaincre encore plus parfaitement, et témoigner plus de respect à ce que vous nommez Tien. Nous l’embarrasserons sans doute : il trouvera cela sublime : il aura peine à dire non : et s’il est de bonne foi, en pesant attentivement ces dernières paroles, il y trouvera de quoi se redresser lui-même.