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de leur malheur. Ne croyez pas avoir assez fait, pour assurer à jamais le repos de votre empire. J’ose dire que par rapport à cela, vous n’eûtes jamais plus à faire. J’ajoute que, pour peu que durât encore votre indolence, je craindrais fort qu’elle ne vous coûtât bien cher, et qu’elle ne vous valût enfin, comme à ces trois princes, un repentir fort inutile.

Une griève maladie, dit le Chu king[1] demande une médecine forte, et qui coûte à prendre. Je prie donc V. M. d’être moins sensible à l’amertume du remède, qu’au danger de la maladie, dont elle est si violemment attaquée. V. M. m’ayant fait l’honneur de m’approcher de sa personne, en me faisant surintendant des officiers de sa suite : j’ai une obligation particulière de veiller à ce qui peut nuire au bon ordre de votre cour, au repos de votre État, et à la gloire de votre règne. Fallût-il m’exposer à vous déplaire, je dois m’acquitter exactement d’une obligation de cette importance. C’est dans ces vues, et par ces motifs que j’ose vous présenter cette remontrance : persuadé que si V. M. veut bien réfléchir sérieusement sur ce que je lui représente, elle en sentira l’importance mieux que personne, et se réveillera d’elle-même, au grand avantage de tout l’empire.


Extrait d’une dissertation du même ministre.


Dans le livre d’où ces pièces sont tirées, on en met encore une du même auteur. C’est une dissertation où il traite la question : s’il est permis à un fils de venger par ses propres mains la mort de son père. Il prononce que non. Le souffrir, dit-il, dans un temps où les lois ont lieu, ce serait un désordre. D’autres ont traité avant lui le même sujet, entre autres deux fameux lettrés de la dynastie Tang, Han yu et Lieou tze heou. ils disent comme Ouang ngan ché, qu’il faut recourir aux tribunaux. Ouang ngan ché propose une objection tirée du livre Tchun tsiou attribué à Confucius, et d’un livre de rits assez ancien. Il répond que ces deux textes, qui autorisent un fils à venger lui-même la mort de son père, ne doivent s’entendre que des temps où, l’empire étant dans la confusion et le trouble, on ne peut recourir aux magistrats. Il s’objecte encore ce qui se trouve dans un recueil apocryphe des ordonnances de Tcheou kong[2]

  1. Le chinois dit mot à mot : si la médecine n’a fait cligner les yeux, elle ne guérit pas la maladie.
  2. Telle est la disposition des Chinois à l’égard de leurs anciens sages, et de leurs livres reconnus pour King. Qu’on leur prouve que quelque chose est certainement contre la raison, ils diront qu’on ne doit point l’attribuer à ces grands hommes. S’il se trouvait dans leurs King quelque chose qu’on leur prouvât clairement ne valoir rien, ils diraient plutôt que c’est une corruption du texte, ou une addition des âges postérieurs, que d’avouer que leurs King originairement aient eu quelque chose de mauvais.