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c’est-à-dire, de seize personnes également sages et vertueuses parfaitement unies entr’elles. Yao éloigna ces quatre méchants, entretint avec joie l’union des seize. Tout fut dans l’ordre, et jamais gouvernement ne fut plus parfait.

Chun étant monté sur le trône, on vit à sa cour en même temps Kao yu, Hoan, Heou tsi, Ki, etc. en tout vingt deux personnes y tenir les premiers rangs. L’union était grande entr’eux : ils s’estimaient et se louaient réciproquement dans toutes les occasions. C’était à qui céderait aux autres le plus haut rang. Voilà certainement un gros parti ; Chun en profita ; son règne fut heureux, et la mémoire de son gouvernement est encore aujourd’hui célèbre.

Le Chu king dit : le tyran Tcheou avait sous lui des millions d’hommes mais autant d’hommes, autant de cœurs ; Vou vang allant contre lui n’était suivi que de trois mille hommes ; mais ces trois mille hommes n’avaient qu’un cœur. Sous le tyran Tcheou autant de cœurs qu’il y avait d’hommes : par conséquent point de liaisons, point de partis. Cependant Tcheou périt et perdit l’empire. Trois mille hommes sous Vou vang ne faire qu’un, cela peut passer pour un gros parti. Ce fut à ce prétendu parti, que Vou vang dût ses succès.

Du temps des derniers Han, sous le règne de Hien ti, sous ce beau prétexte de parti et de cabale, on vit rechercher, saisir, jeter dans les prisons tout ce qu’il y avait de lettrés de réputation. Vint la révolte des bonnets jaunes. Tous ceux dont le zèle et la sagesse auraient pu la prévenir ou y remédier étant en prison, le trouble fut extrême dans tout l’empire. La cour ouvrit les yeux, se repentit, mit en liberté ces prétendus cabaleurs. Mais ce repentir vint trop tard. Le mal avait trop gagné, et se trouva sans remède.

Sur la fin de la dynastie Tang, on vit recommencer de semblables accusations. Cet abus ne fit que croître, et sous l’empereur Tchao tsong il fut extrême. Ce prince pour ce prétendu crime, fit mourir dans les supplices ce qu’il y avait de meilleur à sa cour. L’on vit ceux qui animaient ce prince crédule, faire submerger de son aveu, dans le Fleuve Jaune[1], grand nombre de gens de mérite et joignant à cette cruauté une froide raillerie, dire qu’il fallait faire boire cette eau trouble et bourbeuse, à ces gens qui se piquaient si fort d’être purs[2] et nets. Les suites d’un tel désordre furent que la dynastie Tang finit. Reprenons tous ces traits d’histoire.

Parmi tout ce qu’il y a eu jusqu’ici d’empereurs, jamais aucun n’a eu des sujets plus éloignés de s’unir que le méchant prince Tcheou, le dernier des Chang[3]. Chacun d’eux ne songeait qu’à soi, et ce prince en était cause, Jamais prince n’a pris plus de précautions, pour empêcher les gens de

  1. Ainsi nommé à cause de la couleur de ses eaux, qui charrient beaucoup de terre.
  2. En chinois tsing, qui se dit d’une eau pure & claire. Tsing choui, eau pure, et qui se dit aussi dans le moral. Pu tsing koan, magistrat ou officier intègre et désintéressé.
  3. Nom de dynastie.