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avait une charge hors de son pays, mourut dans une extrême pauvreté, laissant un fils encore très jeune. Sa femme, dont le nom de famille était Li, partit au bout de quelque temps, pour s’en retourner, chargée des os de son mari, et tenant son fils par la main, dans le territoire de Cai fong ; elle entra dans une auberge. Le maître du logis ne sachant pas trop que penser d’une femme seule avec un enfant, refusa de la loger. Comme la nuit approchait, la pauvre femme faisait instance, et ne sortait point. Le maître du logis s’impatienta, et la prenant par le poignet, la mit dehors. Alors levant les yeux au Ciel, elle s’écria d’un ton lamentable. Hélas ! malheureuse que je suis, il sera donc vrai de dire, qu’étant veuve de feu Ouang yng, j’aurai été touchée par un autre homme : du moins ne souffrirai-je pas qu’une main si malheureuse déshonore tout mon corps. En disant ces mots, elle se jette sur une hache, et s’en donne un grand coup sur le poignet, qui en fut à moitié coupé. Les passants s’arrêtèrent à ce spectacle, tout le voisinage accourut. Les uns soupiraient, les autres pleuraient, les autres bandaient la plaie. Le magistrat en étant averti procura de bons remèdes, fit punir sévèrement l’aubergiste, prit soin de la malade, et manda le tout en cour. O ! qu’il me semble que le bruit de cette seule action devait inspirer de honte aux lettrés de ce temps-là !


Hia tsou ayant été privé de l’emploi de Kiu mi[1], on mit Ta yen en sa place. Celui-ci était ami de Fou pi, de Han ki, de Fan tchong yen, qui étaient tous trois ministres, et de Ngeou yang heou, qui était censeur. Ils vivaient fort unis entr’eux, et avec quelques autres qui leur ressemblaient. Un de ces derniers était Che kiai homme désintéressé, droit et zélé, mais trop libre et trop hardi à exercer sa critique, et à censurer les actions des autres dans des vers qu’il faisait très bien. Hia tsou piqué d’une pièce de Che kiai, et chagrin d’avoir perdu son emploi, déféra à l’empereur un prétendu parti de certaines gens liés entr’eux, disait-il, contre quiconque ; il indiqua nommément Fan tchoung yen et Ngeou yang heou. L’empereur s’adressant à ses ministres : j’ai souvent ouï parler, leur dit-il de partis formés par des canailles[2], par des âmes basses, gens sans mérite et sans vertu. Mais les honnêtes gens qui sont en place, qui ont du mérite et de la vertu, forment-ils aussi des partis ? Fan
  1. C’était comme le chef au Conseil pour les affaires de la guerre.
  2. Le chinois dit siao gin. Expression qui signifie tout cela, quoique mot à mot siao signifie petit, et gin signifie homme.