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éloignait. En effet, outre que c’est une perte pour votre cour, c’est fermer la bouche à tout autre, et l’État ne peut manquer d’en souffrir. Il aurait été à souhaiter que V. M. plus attentive au zèle, au désintéressement, et à la constance de ces censeurs, eût encore moins accordé aux vains soupçons de leurs adversaires, Mais ce mal, tel qu’il puisse être, est facile à réparer. Vous avez puni en les éloignant, ce qu’ils pouvaient y avoir commis de faute. Laissez maintenant agir votre bonté. Pour inspirer à vos bons sujets le désintéressement, le zèle, et la liberté de parler, rappelez et rétablissez Tang kiai et ses collègues. Tout votre empire y applaudira.


Discours du même Ngeou yang sieou sur la secte Foë.


Il y a mille ans et plus, que notre Chine a le malheur d’être infectée de la secte de Foë[1]. Pendant ces mille ans il n’y a point eu de temps, où les gens éclairés ne l’aient détestée, et n’aient souhaité la pouvoir détruire. Nos empereurs plus d’une fois l’ont proscrite par leurs édits ; on a souvent cru que c’en était fait : elle s’est cependant toujours relevée avec de nouvelles forces ; et les choses en sont venues souvent jusque-là, qu’après tant de tentatives sans succès, on a regardé ce mal comme incurable. Est-ce donc qu’il l’est en effet ? Non. C’est qu’on s’y prend mal pour y remédier. Un habile médecin, pour bien traiter un malade, examine où est le mal, et d’où il vient. S’il trouve qu’il a son origine dans la faiblesse du tempérament, ou dans quelque épuisement d’esprits, sans attaquer directement par ses remèdes les accidents survenus, il va droit à la source. Il travaille à réparer les esprits, à fortifier le tempérament et les accidents cessent d’eux-mêmes.

C’est ainsi qu’il faut en user à l’égard du mal que nous déplorons. Foë était un barbare étranger assez éloigné de notre Chine. Sa secte était apparemment dès le temps de nos trois fameuses dynasties. Mais la vertu et la sagesse régnaient alors dans l’empire : les peuples étaient bien instruits de leurs devoirs : les rits étaient en vigueur. Le moyen que la secte de Foë y trouvât accès ? Après ces trois dynasties, le gouvernement ne fut plus le même. On négligea l’instruction des peuples, et la pratique des anciens rits. Cette négligence crût peu à peu, et se trouva telle après deux cents ans, que la secte Foë en profita, pénétra dans l’empire, et s’y établit. Allons donc à la source d’un si grand mal. Faisons revivre le gouvernement de nos anciens rois. Instruisons les peuples comme ils faisaient. Rétablissons dans tout l’empire les anciens rits ; et la secte de Foë tombera, etc.

  1.  Secte idolatrique venue des Indes.