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dont vous lui étiez encore obligé, pour vous élever sur son trône, et vous faire maître de tout l’empire. Pour un présent de cette nature, qu’a-t-il exigé de vous ? Qu’à sa prière vous prissiez soin de l’impératrice son épouse, et des princesses ses filles. Cependant, dès que ce prince est dans le cercueil, avant même qu’il soit inhumé, vous chagrinez l’impératrice, vous reléguez les princesses dans un appartement reculé, vous n’y avez presque jamais paru ; vous abandonnez et la mère et les princesses ses filles à la discrétion, ou plutôt à la négligence de quelques bas officiers. Trouvez bon, qu’en cette matière je raisonne du petit au grand. Imaginez-vous un homme du peuple, que quelques arpents de terre font vivre avec la femme et quelques filles qu’il en a eues. Se voyant sur l’âge et sans fils, il adopte un jeune homme de sa famille, et le fait son héritier[1]. Celui-ci maître du bien, ne voit pas plus tôt son père mort, qu’il dispose absolument de ses biens à sa fantaisie, n’a aucun égard pour sa mère, ni aucun soin de ses sœurs. Elles ont beau souffrir, soupirer, gémir, et se plaindre : il est insensible à tout. Quelle idée, croyez-vous, qu’aurait tout le voisinage d’un fils de ce caractère ? Qu’en penserait-on ? Qu’en dirait-on ? Or un tel procédé décrierait un villageois dans son village : Que doit attendre d’une conduite bien plus criante, un empereur sur qui sont attachés les yeux de tous ses sujets ? Le moyen qu’il en soit aimé.

En second lieu, le feu empereur naturellement facile et bon, s’est toujours fait une peine de contredire ceux qu’il employait. Les dernières années de son règne, étant violemment tourmenté d’un mal de poitrine, il s’est rebuté des soins du gouvernement, et s’est presque entièrement reposé de tout sur quelques-uns de ses officiers. Il s’en faut bien qu’on ait toujours fait le choix qu’on devait. On a vu assez fréquemment la brigue et l’intérêt l’emporter sur le mérite et la vertu. Quelque soin qu’aient pris pour se couvrir les auteurs de ces injustices, ils n’ont trompé que le vulgaire peu attentif et peu instruit. Les gens éclairés en ont gémi : mais ne sachant à qui recourir, vu l’état où était le prince, ils ont gardé le silence. Leur consolation était qu’un jeune prince comme vous, montant sur le trône, examinerait tout par lui-même, s’instruirait de tout avec soin, et maintiendrait avec vigueur l’autorité souveraine. Ils espéraient qu’alors on éloignerait les gens incapables, qu’on avancerait les gens de mérite ; que l’équité toute pure réglerait les punitions et les récompenses ; enfin que par cette sage conduite, la cour et tout l’empire changerait de face.

Voilà ce qu’on espérait, et c’est ce qu’on n’a pas encore vu. Dès le commencement de votre règne, vous paraissez aussi fatigué du poids des affaires, que l’était Gin tsong accablé de maladie les dernières années du sien ; vous abandonnez plus que lui la décision des affaires à certains de vos officiers ; et l’on dirait presque que vous craignez de voir clair dans leur procédé. On vous a présenté quantité de mémoriaux, dont quelques-uns étaient de la plus grande importance. Vous n’y avez fait nulle attention. Sous prétexte

  1. Les filles en Chine n’héritent point.