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obligé par plus d’un endroit d’y veiller avec tout le soin dont vous êtes capable.

Je crains de plus que dans le palais il ne se trouve des brouillons, qui interprétant à leur manière les actions ou les paroles de l’impératrice, viennent vous faire des rapports propres à vous aigrir ou à vous refroidir. S’il y en a de ce caractère, ils ne manqueront point de se couvrir du voile spécieux de fidélité, d’attachement et de zèle. Mais ce sont dans le fond des âmes basses, qui n’ont en vue que leur intérêt, et qui cherchent à profiter des dispositions qu’ils voient ou qu’ils croient voir dans l’esprit du prince. Si donc vous découvrez quelqu’un de ces lâches flatteurs, ordonnez, sans l’écouter, qu’on le livre sur-le-champ à la justice, et qu’on lui fasse son procès. Un exemple que vous en ferez, fermera la bouche à tous ses semblables. Au contraire si vous prêtez l’oreille à ces discours, les médisances et les calomnies ne finiront point, et il s’ensuivra infailliblement de funestes troubles. Ce point est de la dernière importance, et mérite votre attention.

Enfin c’est une maxime reçue, et qui a passé comme en proverbe. Pour les affaires de l’État, le prince seul en décide : quant aux affaires domestiques, c’est l’impératrice qui y préside. Je voudrais donc que V. M. décidant par elle-même toutes les affaires du dehors, fît dépendre de l’impératrice mère le règlement du dedans, que vous y laissassiez à sa disposition les gratifications et les emplois ; du moins que rien en ce genre ne se fît sans son avis et son agrément ; tout alors serait dans l’ordre, vous verriez au-dessus de vous votre mère contente, et vous entendriez au-dessous vos officiers et vos peuples, vous en témoigner leur satisfaction par des éloges et des chansons ; si, faute d’avoir établi cet ordre, les officiers du dedans venaient à se négliger, et à ne pas bien servir l’impératrice ; si quelqu’un d’eux, par de faux rapports, vous brouillait avec elle, cela se saurait au-dehors : l’impératrice de chagrin en tomberait peut-être malade : quel déshonneur ne serait-ce point pour vous ? Comment pourriez-vous le soutenir à la face de tout l’empire ? Tout le bien que d’ailleurs vous pourriez faire, ne pourrait couvrir votre honte. Voilà, où je tendais par ma première proposition, qu’en matière de perfection personnelle, ce qu’on appelle piété filiale, est la première des vertus.

Dans le chapitre du Chu king, qui a pour titre Hong fan[1], quand on vient à recommander au prince d’être équitable, et de ne jamais agir par des inclinations ou des aversions particulières, on appuie si fort sur ce point, qu’on inculque la même chose en six manières différentes, pour en faire sentir l’importance. Celui qui gouverne un État, dit Tcheou gin, ne doit point employer les récompenses publiques, pour payer des services personnels qu’on lui a rendus, avant qu’il fût sur le trône. Encore moins doit-il employer la rigueur des lois, pour satisfaire une haine particulière. Nous

  1. La grande règle, ou les grandes règles.