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abus, devenir autant de coutumes ; la corruption passer jusque dans le style ; un vain fleuretis devenir à la mode ; une infinité de gens courir les rues, et mener une vie oisive ; bon nombre de magistrats perdre leur temps en festins ; quantité de gens porter des habits au-dessus de leur condition ; les bâtiments devenir chaque jour plus superbes ; la force et le pouvoir opprimer la faiblesse et l’innocence ; les grands officiers se laisser corrompre par des présents, et leurs subalternes rançonner les peuples : je vois, dis-je, tout cela et je ne vois point qu’on s’empresse à le défendre ou à l’empêcher efficacement.

Cependant, suivant l’idée de nos anciens, idée saine et véritable, un fils abandonner son père, c’est un crime personnel, ou même un trouble général, et toujours un grand désordre ; un sujet se soustraire à l’autorité, c’est une révolte ; les hommes abandonner la culture des terres, et les femmes cesser de travailler aux étoffes, c’est s’affamer et affamer d’autres avec eux ; les ouvriers raffiner en vains ornements, les marchands trafiquer de choses inutiles, les lettrés négliger la charité et la justice, c’est laisser, chacun en son genre, ce qui est essentiel et capital. Les superstitions s’établir à la Chine, c’est introduire la barbarie dans l’empire. Donner vogue au style fleuri, c’est comme ensevelir nos King. Tant de gens oisifs courir les rues, les magistrats perdre leur temps en festins, c’est abandonner les affaires domestiques et publiques. Le luxe régnant dans les édifices et dans les habits, voilà les conditions bientôt confondues. La force et le pouvoir n’étant point réprimés, voilà les faibles et les pauvres dans l’oppression. Les grands officiers se corrompant par des présents, les petits vivant de rapines ; plus d’équité, plus de justice. Ne point défendre, ou plutôt n’empêcher point efficacement de si grands maux, et faire observer avec rigueur je ne sais combien de défenses, sur ce qui est le plus nécessaire aux hommes, quelle sagesse ! Est-ce là le gouvernement de nos anciens ? Que si quelqu’un me demande ce qu’il faut faire pour rétablir ce sage gouvernement. Voici ma réponse en deux mots. Empêcher ce qu’on laisse faire, laisser faire ce qu’on empêche ; c’était le gouvernement de nos anciens.


Sur ce discours, l’empereur Cang hi dit : parmi les lois, il y en a de plus ou de moins importantes. Les unes sont comme capitales et essentielles, les autres le sont moins. Si l’on vient à les confondre, ou à préférer celles-ci à celles-là, les peuples ne savent à quoi s’attacher le plus. La distinction qu’il faut faire en ce genre, est très sensible dans cette pièce, dont l’expression d’ailleurs est vive et ferme.

Une glose historique dit que ce Che kiai était un homme habile, droit, résolu, qui aimait le bien, et haïssait le mal, mais un peu avide de réputation. Et c’est pourquoi il profitait de toutes les occasions qu’il avait de parler et d’agir. Il se fit par là des ennemis, qui cherchèrent à le perdre : et il eut assez de peine à échapper à leur vengeance.