Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/700

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ouvertement en pleine audience et en plein conseil les points capitaux et essentiels, et quelques autres en particulier par écrit et sous le sceau. Depuis quelques années, plus d’audiences, ni de Conseils, comme auparavant : plus de voie réglée pour les écrits.

Voici donc à quoi se réduit la charge de censeur. Quand on a publié quelque ordonnance nouvelle, qu’on a fait quelque retranchement, ou quelque établissement extraordinaire ; si les censeurs y trouvent à redire, ils peuvent par écrit et sous le sceau, en représenter les inconvénients, et proposer leur avis. Hélas ! dis-je sur cela, quand j’y pense, lors même qu’on avait la liberté de raisonner avec le prince sur les affaires, et de lui suggérer des précautions contre les dangers futurs ; enfin, lorsque dans des conseils et dans des audiences particulières, on travaillait avec le prince au gouvernement de l’État ; il ne laissait pas d’arriver encore qu’on avait assez de peine à faire fléchir son autorité souveraine, à lui faire quitter une idée prise, et à se soutenir auprès de lui contre l’artifice et la calomnie. Comment par une simple remontrance, et quelques avis donnés sous le sceau, faire révoquer des ordonnances publiées, faire casser des choses établies, et s’attirer de la part du prince une de ces déclarations honorables, dont on avait autrefois tant d’exemples, mais qui sont aujourd’hui si rares ? Non, ce n’est pas une chose à espérer. Cela paraît aujourd’hui si peu praticable, que celui qui fait des remontrances, ou donne des avis sur le gouvernement, est regardé comme un aventurier, ou même comme un brouillon. Les choses étant sur ce pied-là, malgré mon peu de mérite, je ne puis m’empêcher de rougir d’occuper si vainement la place qu’occupaient sous Tai tsong, Ouang kouei et Oei tching. Si Votre Majesté nous regarde moi et mes collègues, comme gens incapables de l’aider, et indignes de l’approcher, nous sommes conséquemment indignes de tenir à votre cour le rang que nous y tenons, il faut nous casser et nous en bannir.

Que si V. M. m’a mis en place dans la vue que je lui pourrais être utile. Si c’est dans cette même vue qu’elle me continue les appointements et les honneurs attachés à cet emploi, je la supplie de me donner lieu d’en remplir les fonctions les plus essentielles. Ci-devant les premiers censeurs étaient du Conseil privé, comme les premiers ministres. Outre que les premiers censeurs étaient fort souvent auprès du prince, il les appelait de temps en temps par un ordre exprès : il les recevait toujours avec un air plein de bonté, qui leur répondait, pour ainsi dire, que leurs avis seraient bien reçus. S’il plaît à V. M. de rétablir les choses sur ce pied-là, je m’efforcerai de mon côté de répondre à ses bontés, et de remplir dignement les fonctions de mon emploi, je lui exposerai mes faibles vues, et peut-être serai-je assez heureux pour lui en proposer quelques-unes qu’elle jugera utiles pour son service. Que si V. M. après en avoir fait l’expérience, ne trouve, en ce que je proposerai, rien que de frivole et de peu important ; qu’elle m’en punisse, à la bonne heure, et me fasse mourir dans les supplices. Il me sera moins dur de quitter ainsi la place de censeur, que de l’occuper comme je fais.