de bien distinguer le vrai mérite. Cela est certain. Mais il n’est pas moins certain qu’il s’y trompera souvent, s’il hait les avis sincères, et s’il aime à être flatté. On gagne pour l’ordinaire à s’accommoder aux idées du souverain, et à flatter ses inclinations. S’y opposer, et lui dire quelques vérités désagréables, est toujours chose dangereuse et délicate ; souvent on s’en trouve mal. Il y a à la vérité de sages princes, sous qui le contraire arrive, de qui la vérité, bien loin d’avoir à craindre, reçoit toujours des éloges et des récompenses. Cependant ces princes mêmes ont encore lieu d’appréhender que le zèle de leurs sujets ne se porte trop à les ménager. Que serait-ce sous un prince, qui par ses soupçons, par ses chagrins, et par ses saillies, comme par autant de barrières, arrêterait ce zèle.
L’empereur Cang hi dit sur ce discours : Quant aux principes, rien de plus juste, et de plus précis.
Prince, parmi les grandes qualités, et les éminentes vertus, qui vous rendent égal ou supérieur à tant de rois vos prédécesseurs, tout votre empire admire surtout cette pénétration singulière, qui vous rend si éclairé sur les misères de vos peuples, et cette bonté maternelle qui vous porte sans cesse à les soulager. D’indignes officiers abusant de votre nom, outre les droits ordinaires, levaient sur vos peuples de grosses sommes. Un présent qu’ils vous offraient, servait de voile à couvrir leur avarice : la meilleure partie entrait dans leurs coffres. Ce désordre n’a pu échapper à vos lumières ; et vous n’en avez pas été plutôt instruit, que pour y remédier