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titres ? Gouverner en paix et avec succès, faire régner partout un bel ordre, c’est ce qu’on appelle être Ouen[1]. Savoir employer à propos les armes, pour maintenir ou rétablir un heureux calme dans l’État, c’est ce qu’on appelle être belliqueux[2] Cela me peut-il convenir ? Ce sont cependant les titres magnifiques que mes officiers me prodiguent dans leurs écrits. Si malgré mon indignité, je les acceptais, ne fut-ce que par complaisance, n’en serais-je pas encore plus indigne ? et ne serait-ce pas pour moi un nouveau sujet de confusion ?

Je défens donc désormais que qui que ce soit, soit de la cour, soit des provinces, me donne dans ses suppliques ou autres écrits ces titres Chin, Ching, Ouen, Vou. L’homme sujet à des passions est aussi sujet à l’inconstance : tantôt il suit la vertu, tantôt le vice. Il dépend beaucoup pour l’un et pour l’autre, des différentes conjonctures où il se trouve : et quand le prince ne sait pas par sa sagesse et par son exemple donner cours à la vertu, il n’y a pas lieu de s’étonner que les troubles et les crimes soient plus fréquents. Si donc moi, qui jusqu’ici n’ai point su donner à mes sujets les instructions et les exemples que je leur devais, je traitais en toute rigueur tous ceux qui ont commis des fautes, ce serait une espèce d’injustice ; du moins ce serait trop de dureté. Je n’oserais plus après cela me laisser appeler le père et la mère des peuples, titre si essentiel au souverain.

Je veux donc à ce renouvellement d’année, et en me renouvelant moi-même, user d’indulgence pour le passé. L’année qui vient de commencer, et qui, selon le cours ordinaire, se serait appelée la cinquième Kien tchong, s’appellera la première Yuen hing et j’accorde entière amnistie pour le commun des fautes commises jusqu’au premier jour de ladite année. Li hi lié, Tien yué, Ouang, Ou sun, sont des gens qui ont autrefois fort bien servi, les uns à la tête des affaires, les autres à la tête des armées, je n’ai pas su les gagner : ma conduite à leur égard leur inspire de la défiance et de l’inquiétude : ils ont eu part aux derniers troubles mais leurs fautes quoique grièves, ne sont rien en comparaison des miennes. C’est une chose ordinaire, que quand le prince s’égare, ses sujets ont le malheur de s’égarer pareillement. Ai-je été réellement empereur ? Quel effet a-t-on ressenti de mon pouvoir et de mes bontés ? Il est temps qu’on en ressente, et pour faire connaître à tout mon empire ce que peut sur moi le repentir de mes fautes, et l’inclination bienfaisante qu’il m’inspire, je pardonne à Li hi lié et aux trois autres : je leur fais même la grâce entière : je leur rends le rang qu’ils avaient et je les traiterai dans la suite comme s’il ne s’était rien passé. Tchu hao[3]est frère de Tchu tse : ils sont aujourd’hui ensemble dans les prisons ; mais ils étaient fort éloignés l’un de l’autre, quand Tchu tse s’est révolté. Il n’y a point de preuve que le cadet des deux frères ait été

  1. Politique.
  2. Vou.
  3. Etait chef de la révolte.