Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/681

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ces mouvements. Mes officiers et mes soldats obligés d’en venir aux mains plusieurs fois dans un seul jour, passaient les années entières, sans quitter le casque et la cuirasse, loin des tablettes de leurs ancêtres, loin de leurs femmes affligées et sans appui. Mes peuples obligés de laisser les terres en friche, pour des corvées continuelles, étaient accablés en même temps de travail et de misère, et réduits à souhaiter de mourir plutôt dans les supplices.

Cependant au-dessus de moi, Tien me donnait, en me châtiant, de fréquents avis : je ne savais pas en profiter. Au dessous de moi les hommes éclataient en murmures, je n’en étais pas informé. Ainsi croissait le trouble peu à peu, lorsqu’un sujet rebelle a tâché de profiter de ce désordre, et a poussé l’insolence jusqu’aux derniers excès. Oubliant toute honte et toute crainte, il a porté partout le tumulte. Peuples, Grands, tout en a souffert, son audace est allé jusqu’à insulter la sépulture de mes ancêtres. J’ai ressenti tout cela d’autant plus vivement, que j’y avais donné moi-même occasion ; et je n’y penserai jamais sans une extrême confusion, et sans une douleur mortelle ; grâce à la protection de Tien ti[1] venue d’en haut, les Chin et les hommes se sont unis en ma faveur. Mes ministres et mes généraux ont épuisé de concert leur zèle et leur habileté. Mes troupes m’ont bien servi ; le rebelle est défait et pris. Il s’agit maintenant de remédier aux maux passés ; et c’est pour commencer à le faire, que je publie la déclaration présente.

Pendant que je m’occupe sans cesse du souvenir de mes fautes passées, mes officiers de tous les ordres, sans en excepter les plus grands, dans tous les écrits qu’ils m’adressent, me donnent à l’envi de nouveaux titres : je ne les ai jamais acceptés : je n’ai jamais souhaité qu’on me les donnât. J’ai eu seulement la complaisance de souffrir ces jours passés, que sur l’avis des devins, on mit la chose en délibération. Mais hier y pensant sérieusement, je me sentis saisi de crainte. Hélas me dis-je à moi-même, pénétrer, comprendre, et comme s’incorporer[2] le plus impénétrable[3] yng-yang, c’est pouvoir être appelé Chin[4] unir sa vertu avec Tien ti, c’est mériter d’être appelé Ching[5]. Un homme sans lumières tel que je suis, peut-il soutenir ces titres ?

  1. Je n’ai point jusqu’ici traduit Tien, qui est cependant revenu souvent seul, et qui s’est encore trouvé dans cette pièce. Ici, et en d’autres endroits, on lui joint le caractère Ti, qui communément signifie la terre. Comme j’ai toujours laissé au lecteur à juger du sens de Tien par la suite des endroits où il se trouve, je lui laisse aussi à juger du sens qu’il convient de donner ici, et dans d’autres endroits semblables aux deux caractères Tien ti joints ensemble : et s’il faut mieux faire dire à Lou tché que le Ciel matériel et la terre matérielle protègent puissamment, et, que la protection de la terre matérielle vient d’en haut, que de reconnaître la figure suivant laquelle on emploie l’expression tchao ting, mot à mot la cour et la salle, ou la salle de la cour, pour signifier l’empereur ; et tong kong le palais oriental, pour signifier le prince héritier, etc.
  2. L’expression chinoise a tous ces sens.
  3. Deux expressions très vagues et très étendues de la philosophie chinoise.
  4. Esprit, spirituel, excellent, etc.
  5. Sage et vertueux du premier ordre.