Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/678

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’empire, comme il en avait le droit. Le prince ayant agréé la proposition, on lui dit qu’il fallait commencer par prendre et faire mourir deux hommes qu’on lui nomma. C’étaient les deux favoris et confidents de l’impératrice. Le prince y consent, on marche au palais avec des troupes, on saisit ces deux favoris, et on leur coupe la tête. L’impératrice en étant avertie, demande de quelle autorité on est venu avec des troupes prendre et faire mourir ses gens ? On répond qu’on a pris l’ordre du prince, et qu’il est présent. L’impératrice dit alors, sans faire paraître extérieurement aucune émotion ; ces deux hommes l’auront offensé, il les a voulu punir. A la bonne heure qu’il se retire en son palais[1]. On fit répondre à l’impératrice que cela ne convenait pas ; qu’âgée et infirme comme elle était, elle ne pouvait plus se donner les soins que demandait un si vaste empire, qu’il était temps que le prince prît possession du gouvernement, et qu’on la priait de le trouver bon. Elle n’était plus en état de s’y opposer. Il fallut bien y consentir, quelques mois après elle mourut.


La sixième des années nommées Tali, l’empereur Te tsong publia la déclaration suivante.


Être souverain, c’est avoir reçu de Tien l’ordre de nourrir les peuples. C’est pour cela qu’un bon prince aime ses sujets non seulement comme ses enfants, mais comme sa propre personne. Il est attentif à nourrir ceux qui ont faim, à vêtir ceux qui sont nus ; encore ne croit-il pas faire beaucoup, et sa bonté n’est point satisfaite : Elle tient toujours son cœur occupé, ou du soin de rendre heureux ses sujets, ou de tristesse, ou de confusion de n’y pas réussir. Ses greniers dans les bons temps sont chez ses peuples ; tous ses sujets sont à leur aise : les vieillards ne manquent de rien, et voient sans inquiétude et sans chagrin croître les enfants de leurs enfants. Les corvées sont rares et faciles ; trois journées d’hommes en un an par chaque famille, c’est ce qu’avaient réglé nos anciens princes. Enfin l’union et la paix régnant dans l’État, il lui est facile d’y faire aussi régner la vertu. Hélas ! Je suis depuis huit ans chargé de l’empire ; et je n’ai pu ni en venir là, ni en approcher. Ce n’est pas que malgré mon peu de vertu je n’aie fait ce qui m’a été possible, et que je n’aie souhaité de faire encore davantage. Mais les irruptions des barbares, les troupes qu’il a fallu entretenir pour assurer nos frontières, et les autres dépenses indispensables, m’ont mis hors d’état de soulager mes peuples, et m’ont obligé quelquefois à les charger de nouvelles impositions. Il y a eu successivement des inondations et des sécheresses.

  1. Le prince héritier a son palais à part à l’est de celui de l’empereur ; et une expression fort usitée pour désigner le prince héritier, c’est tong kong, qui veut dire palais.