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a introduit les statues, a commencé à se répandre à la Chine. Depuis ce temps-là ces coutumes étrangères s’y sont insensiblement établies, sans qu’on y ait assez pris garde. Tous les jours elles gagnent encore. Les peuples en sont malheureusement imbus, et l’État en souffre. Dans les deux cours, dans toutes les villes, dans les montagnes, ce n’est que Bonzes[1] des deux sexes. Le nombre et la magnificence des bonzeries croît chaque jour. Bien des ouvriers sont occupés à faire leurs statues de toute matière. Il se consume quantité d’or à les orner. Nombre de gens oublient leur prince et leurs parents, pour se ranger sous un maître bonze. Il y a même des scélérats, qui abandonnent femme et enfants, et vont chercher parmi les bonzes un asile contre les lois. Peut-on rien voir de plus pernicieux ? Nos anciens tenaient pour maxime, que s’il y avait un homme qui ne labourât point, et une femme qui ne s’occupât point aux soieries, quelqu’un s’en ressentait dans l’État, et souffrait la faim ou le froid. Que sera-ce donc aujourd’hui, qu’un nombre infini de bonzes, hommes et femmes, vivent et s’habillent des sueurs d’autrui, et occupent une infinité d’ouvriers à bâtir de tous côtés, et à orner à grands frais de superbes édifices ? Faut-il chercher d’autre cause de l’épuisement où était l’empire sous les quatre dynasties Tsin, Song, Tsi, Leang et de la fourberie qui régnait alors.

Quant à notre dynastie Tang, les princes, qui en ont été les fondateurs, après avoir employé heureusement la force des armes, pour rendre à l’État son ancienne tranquillité, s’occupèrent à le régler par de sages lois ; et pour en venir là, bien loin de rien emprunter de cette vile secte étrangère, dès la première des années nommées Tchin koan, Tai tsong se déclara contre elle : mais il y alla trop mollement, et le mal n’a fait qu’augmenter. Pour moi, après avoir lu et pesé tout ce qu’on m’a représenté sur ce point, après en avoir délibéré mûrement avec gens sages, ma résolution est prise. C’est un mal, il y faut remédier. Tout ce que j’ai d’officiers éclairés et zélés dans les provinces, me pressent de mettre la main à l’œuvre. Selon eux, c’est tarir la source des erreurs qui inondent tout l’empire, c’est le moyen de rétablir le gouvernement de nos anciens, c’est l’intérêt commun, c’est la vie des peuples. Le moyen après cela de m’en dispenser ?

Voici donc ce que j’ordonne, 1° Que plus de quatre mille six cents grandes bonzeries, qui sont répandues de côté et d’autre dans tout l’empire, soient absolument détruites : conséquemment que les bonzes[2] hommes ou femmes, qui habitaient ces bonzeries, et qui montent, de compte fait, à vingt-six ouan, retournent au siècle, et paient leur contingent des droits ordinaires. En second lieu, qu’on détruise aussi plus de quatre ouan[3] de bonzeries, moins considérables, qui sont répandues dans les 

  1. Je me sers de ce mot, parce qu’on s’en est servi dans d’autres livres français : il ne vient point du chinois.
  2. C’est qu’il y a des bonzeries d’hommes, et des bonzeries de femmes.
  3. C’est quarante mille.