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les mandarins dans l’exercice de leur charge, et à instruire les lettrés et le peuple.

On y lit, par exemple, le nom des mandarins qui ont été destitués de leurs emplois et pour quelle raison : l’un, parce qu’il a été négligent à exiger le tribut impérial, ou qu’il l’a dissipé ; l’autre, parce qu’il est trop indulgent, ou trop sévère dans ses châtiments : celui-ci, à cause de ses concussions ; celui-là, parce qu’il a peu de talents pour bien gouverner. Si quelqu’un des mandarins a été élevé à quelque charge considérable, ou s’il a été abaissé ; ou bien si on l’a privé pour quelque faute, de la pension annuelle qu’il devait recevoir de l’empereur, la gazette en fait aussitôt mention.

Elle parle aussi de toutes les affaires criminelles, qui vont à punir de mort le coupable ; on voit les noms des officiers qui remplacent les mandarins cassés de leurs emplois ; les calamités arrivées dans telle ou telle province, et les secours qu’ont donnés les mandarins du lieu par l’ordre de l’empereur ; l’extrait des dépenses faites pour la subsistance des soldats, pour les besoins du peuple, pour les ouvrages publics, et pour les bienfaits du prince ; les remontrances que les tribunaux supérieurs prennent la liberté de faire à Sa Majesté sur sa propre conduite, ou sur ses décisions.

On y marque le jour que l’empereur a labouré la terre, afin de réveiller par son exemple dans l’esprit des peuples, et d’inspirer à ceux qui les gouvernent, l’amour du travail, et l’application à la culture des campagnes ; le jour qu’il doit assembler à Peking tous les Grands de la cour, et tous les premiers mandarins des tribunaux, pour leur faire une instruction sur leurs devoirs. On y apprend les lois et les coutumes nouvelles qu’on établit ; on y lit les louanges que l’empereur a données à un mandarin, ou les réprimandes qu’il lui a faites : par exemple, un tel mandarin n’a pas une réputation saine ; s’il ne se corrige, je le punirai.

Enfin la gazette chinoise se fait de telle sorte, qu’elle est très utile, pour apprendre aux mandarins à bien gouverner les peuples : aussi la lisent-ils exactement ; et comme elle fait connaître toutes les affaires publiques qui se passent dans ce vaste empire, la plupart mettent par écrit des observations sur les choses qu’elle contient, et qui peuvent diriger leur conduite.

On n’imprime rien dans cette gazette qui n’ait été présenté à l’empereur, ou qui ne vienne de l’empereur même : ceux qui en prennent soin, n’oseraient y rien ajouter, pas même leurs propres réflexions, sous peine de punition corporelle.

En 1726 l’écrivain d’un tribunal et un autre écrivain qui était employé dans le bureau de la poste, furent condamnés à mort, pour avoir inséré dans la gazette quelques circonstances qui se trouvaient fausses ; la raison sur laquelle le tribunal des affaires criminelles fonda son jugement, c’est qu’en cela ils avaient manqué de respect à Sa Majesté, et que la loi porte, que quiconque manque au respect qu’il doit à l’empereur, mérite la mort.


Rigueur des lois de la Chine.

Au reste les lois interdisent aux mandarins la plupart des plaisirs ordinaires. Il ne leur est permis que de régaler quelquefois leurs amis, et de leur donner la comédie. Ils risqueraient leur fortune, s’ils se permettaient le