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tchong[1] étant mort, il fut avancé, et mit bientôt partout le trouble, Ki sing[2], dans une occasion pressante, s’exposa courageusement à une mort certaine, pour sauver la vie à celui qu’il reconnaissait pour son prince. Yuen yang[3], pour satisfaire une haine particulière, mit l’empire à deux doigts de sa ruine. On a vu dans Tchou yuen et dans plusieurs autres, la fidélité et la droiture non seulement sans récompense, mais dans la misère et dans l’oppression. Dans Tsai pi et ses semblables, on a vu la trahison se couvrir des plus beaux dehors.

Tout cela ne prouve-t-il pas la difficulté de bien régner ? Elle serait encore plus grande, si nous n’avions pas ces histoires, où un prince bien attentif apprend à distinguer les sujets vraiment zélés et fidèles, des flatteurs intéressés. Les rois de Tsin devaient à la bravoure et à l’habileté de Pe ki, le royaume de Tchao qu’il leur avait soumis. Un d’eux ne laissa pas de le faire mourir. Ya fou, sous l’empereur King ti fut celui qui arrêta les fâcheuses suites que devait avoir la révolte des princes tributaires. Ce fut cependant sous ce même empereur, que Ya fou finit sa vie dans les supplices. Ouen tchong fut traité de même par le roi de Yué, qui cependant sans les avis de Ouen tchong, n’eût pu détruire Ou son ennemi. Enfin Ou si, après de longs et très importants services, eut pour récompense une épée, dont il eut ordre de se tuer. Étaient-ils coupables, ces grands hommes ? Méritaient-ils de périr ainsi ? Non. Ce fut injustice et passion de la part des princes. Pour Tchao kao, Han sing, Hing pou, et Tchin hi, quoi qu’ils eussent tous leur mérite, et que quelques-uns d’eux eussent rendu de grands services ; ils s’oublièrent et se démentirent : leur punition n’eut rien que de juste. Mais il eût fallu prévenir sagement leurs fautes ; et c’est une tâche, dans Kao tsou, d’ailleurs si grand prince, de n’avoir pas su conserver des gens d’une capacité si peu commune, et qui l’avaient si bien servi. Le fondateur de la dynastie Han est par cet endroit bien au-dessous de Quang vou qui en fut le restaurateur. Celui-ci sut récompenser les généraux comme Kao tsou, mais sans les exposer comme lui à s’oublier. C’est ainsi qu’on en doit user à l’égard de ceux à qui l’on doit en partie son élévation, ou sa

  1. C’était un premier ministre de Tchuang vang roi de Tsi. Il avait fort recommandé à ce prince de ne jamais mettre en place Y yu.
  2. Kao tsou fondateur de la dynastie Han, disputant encore l’empire avec Hiang yu, fut assiégé dans une ville : son armée étant fort loin, Ki sing qui commandait dans la place, sortit avec appareil, faisant mine de se rendre, et de livrer Kao tsou : cette nouvelle mit la joie dans le camp. Les gardes se négligèrent, et Kao sortit par une autre porte, avec un nombre de cavaliers, força quelques gardes, et se sauva. Hiang yu étant entré dans la place, somma Ki sing de lui livrer Kao tsou. Je vous ai trompé, répondit Ki sing, pour lui donner moyen de vous échapper. Hiang yu en grosse colère fit sur-le-champ brûler Ki sing.
  3. Yuen yang était ennemi de Chao tso. Celui-ci avait donné à l’empereur un avis qui était utile, et que le Conseil avait goûté. Comme il s’agissait d’un prince tributaire, Yuen yang, pour faire périr Chao tso, mit l’alarme par ses intrigues chez tous les princes tributaires : ils allaient servir contre l’empereur : on les apaisa, en sacrifiant Chao tso. C’est ce que voulait Yuen yang.