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élevé au plus haut degré d’honneur, où puisse monter un homme, est en même temps obligé d’aimer tous ses peuples, et de travailler à les rendre heureux. Pour cela il faut deux choses, le bon ordre et la sûreté. Pour le bon ordre, il doit faire des règlements, et les soutenir par son exemple. Pour la sûreté, il faut des troupes, qui puissent ôter l’envie aux ennemis de rien entreprendre sur les frontières. Car comme il ne convient point d’user de la terreur des armes pour contenir son peuple dans le devoir ; de même il est rare que la bonté toute seule, et la vertu du prince contiennent les barbares et assurent les frontières. Quand le grand poisson Kin sortant du fond des abîmes, paraît au-dessus des eaux, les flots s’aplanissent. Quand les Hoang et les Ho[1] plongent ou barbotent, point de beau temps à espérer : c’est leur vol dans les airs qui le pronostique.

Un point très important pour un prince, est de savoir s’accommoder aux différentes inclinations des hommes, et de profiter des divers talents. C’est une maxime reçue de tout temps, que comme celui qui médite un grand édifice, doit commencer par choisir un bon architecte, pour acheter ensuite sur son devis les matériaux convenables ; de même quiconque règne, doit commencer par bien choisir ses ministres, pour s’aider de leurs vues et de leurs conseils dans le gouvernement des peuples. En repassant avec attention sur les dynasties précédentes, je remarque que quand le prince a solidement aimé la vertu, il n’a point manqué de gens vertueux ; que quand il a témoigné de l’inclination pour les bâtiments et autres ouvrages de l’art, tous les gens habiles en ce genre se sont produits ; que quand la chasse a fait son plaisir, il lui est venu d’excellents piqueurs ; que quand la musique a été sa passion, on lui a présenté en foule des gens de Tchin et de Ouei ; que si quelquefois le prince s’est abaissé jusqu’à aimer le fard et d’autres ornements, Yen et Tchao[2] ont eu la vogue. Quand le chemin a été fermé aux remontrances sincères, on a vu paraître à la cour peu de gens zélés et fidèles. Quand le prince aimait à être applaudi, il y avait des flatteurs sans nombre. Nos anciens avaient en vérité bien raison, quand ils comparaient le prince à un vase, et les sujets à la liqueur qu’on y met. Comme la liqueur prend la figure du vase, ainsi les sujets communément se conforment au prince. Quel motif n’est-ce point pour lui de souhaiter d’être parfait ? Mais comme la pierre la plus précieuse a besoin d’être travaillée pour devenir un beau vase ; ainsi l’homme, pour acquérir la vraie sagesse, a besoin d’étude et d’application.

  1. Deux noms d’oiseaux aquatiques. Ces allégories souffrent deux sens, où l’on indique par les flots les irruptions des barbares que la puissance des armes figurée par le poisson Kin arrête, et par les oiseaux Hoang et Ho les peuples qui doivent être à l’aise et contents, pour que l’État soit sans trouble ; ou bien par le poisson Kin, on indique les gens braves et capables d’être à la tête des troupes, et par les oiseaux Hoang et Ho les gens propres à gouverner, qu’il faut tirer de l’obscurité et mettre en place. Si l’on joint ces allégories à ce qui précède, le premier sens est plus naturel. Si on les joint à ce qui suit, le second, ce semble, conviendrait mieux.
  2. Noms de pays.