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Lettre du même empereur Ven ti, fondateur de la dynastie Song, à Tang roi de la Corée.


Depuis que Tien[1] m’a mis sur le trône, je n’ai rien eu de plus à cœur, que le bonheur et le repos des peuples qui me sont soumis. En vous laissant la possession de ces régions maritimes, j’ai voulu faire connaître à tout l’univers, combien je suis éloigné de toute cupidité ; et que je ne me propose en régnant, que de rendre mes sujets vertueux et contents. Mais j’ai bien prétendu aussi que de votre côté vous demeureriez dans le devoir, que vous entreriez à proportion dans les mêmes vues, et qu’en bon sujet vous imiteriez mon exemple. Cependant j’apprends que vous inquiétez vos voisins. Vous resserrez, dit-on, de près Ki tan[2], et lui ôtez toute liberté. Vous faites sur Mei ho des exactions de plus d’une sorte. D’où vient cette envie de nuire ? Et comment osez-vous vexer des États qui me sont soumis ? Si vous avez besoin d’ouvriers, je n’en manque pas. Que ne m’en demandez-vous ? Il y a quelques années que vous travaillez sourdement à faire des amas et des réserves ; que vous avez pour cela vos agents de côté et d’autre, et que vous sucez ces petits États. Pourquoi tout cela ? Si ce n’est que vous avez formé de mauvais desseins, et que craignant qu’on ne les découvre, vous faites tout à la dérobée.

Un envoyé de ma cour est allé vers vous. Je me proposais en l’envoyant, de vous donner comme à un étranger mon sujet, une marque de bonté et de considération. Mais je prétendais bien aussi qu’après s’être instruit de ce qui regarde vos sujets, il vous donnât de ma part quelques bons avis sur la manière de les gouverner. Cependant vous l’avez fait garder à vue, et vous l’avez tenu comme en prison dans son hôtel. Vous avez caché autant que vous l’avez pu, son arrivée à vos sujets. Les officiers de votre cour, à qui vous ne l’avez pu cacher, ont eu défense de l’aller voir. Enfin vous lui avez, pour ainsi dire, fermé les yeux et les oreilles, et vous avez paru craindre qu’il pût s’informer de l’état des choses. Je n’ai pas laissé de savoir, par une autre voie, toutes vos menées. Elles ne sont point d’un bon sujet. Je vous ai laissé la possession d’une grande étendue de terres : je vous ai donné le titre et les honneurs de roi[3]. Enfin je vous ai comblé de bienfaits. Tout l’empire en est instruit. Tout cela ne suffit point pour vous assurer de mes bontés. Vous manquez de reconnaissance, vous témoignez vous défier de moi ; et vous vous rendez suspect vous-même en envoyant, sous divers prétextes, des gens qui examinent en secret ce qui se passe

  1. Le Ciel.
  2. Ki tan et Mei ho, noms de deux petits États voisins de la Corée.
  3. Vang.