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ou moins constante. Au reste, quoique les talents ne soient pas égaux, quand on ne profite pas de l’étude, c’est bien moins faute de talent que manque de résolution. On peut être bien monté, dit le proverbe, sans avoir le cheval Ki[1] ; sans égaler tout à fait Yen tse[2] on peut être bon disciple. Le grand point est d’être constant. Vous commencez à couper ou à scier, puis vous cessez aussitôt ; fût-ce un arbre tendre ou pourri, on ne pourra ni le couper, ni le scier fort vite. Au contraire en continuant le travail, on taille et on scie le marbre le plus dur.

Courage donc, jeunes étudiants, vous voici dans ce collège uniquement occupés à vous instruire des grandes règles, qui nous ont été laissées par nos anciens sages. Avec les secours que vous avez, vous pouvez espérer d’avancer beaucoup dans peu d’années, de vous faire bientôt respecter de ceux de votre âge, de vous attirer les éloges du public, de vous faire même estimer des gens qui sont en place à la cour, et d’entrer par là de bonne heure dans les emplois. Il s’est trouvé quelques gens, qui sans se retirer comme vous, sans avoir les secours que vous avez, et même avec des empêchements de nature, ou de fortune, n’ont pas laissé de devenir d’excellentes plumes, de fameux ministres, et de très grands hommes ; mais c’étaient des gens extraordinaires, et qui ne peuvent servir de règle. Celui qui n’a pas des talents si rares, doit travailler à former, pour ainsi dire, un grand fleuve en ramassant peu à peu de l’eau ; ou à élever une montagne, en unissant des grains de sable. Ce sont des entreprises de nature à ne pouvoir réussir sans constance. Telle est la vôtre, jeunes étudiants. Mais aussi, pourvu que renonçant pour un temps à tout autre soin, vous vous appliquiez tout de bon et avec ardeur ; que vous rapportiez à un but toutes vos études ; vous avancerez infailliblement beaucoup. Et quoique vous ne puissiez peut-être pas marcher tous d’un pas égal il n’est cependant aucun de vous qui ne puisse aller très loin.


Dans le livre d’où ces pièces sont tirées, on loue fort Yu pou de ce que vivant dans un temps, où l’éloquence, la politesse, et la sagesse des anciens, étaient fort négligées, il travailla de toutes ses forces à y remédier.

  1. Cheval fameux.
  2. Celui que Confucius aimait le plus de ses disciples.