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sans cesse à la charge, et vous fatiguer par de nouvelles demandes ; lui toujours importun et toujours insatiable ; vous toujours facile et condescendant à ses désirs et à ses caprices. On le voit, depuis longtemps. Mais comme rien n’est plus contraire au respect qui vous est dû, et au bien de votre État ; il n’est pas un de vos bons sujets qui ne le voie avec douleur.

Vous avez une santé faible, vous n’avez point encore d’héritier. Ces circonstances exigent de vous une singulière application à gagner le cœur de Tien, à vous rendre aimable à vos sujets, et à mériter par là une heureuse protection. Cependant vous ne pensez à rien moins. Tout occupé de la fortune d’un homme vous négligez le reste, même votre propre santé. Quoi, se peut-il faire, que vous soyez si peu sensible à ce qui soutint Kao tsou dans tant de travaux et tant d’exploits, je veux dire au désir et à l’espérance de perpétuer le trône dans votre race ? Le livre Hiao king[1] dit : s’il se trouve à la cour d’un prince sept officiers vraiment zélés, qui aient assez de courage pour faire de respectueuses remontrances dans l’occasion ; quand ce prince d’ailleurs serait peu réglé, il ne perd pas pour cela l’empire. Si j’ose aujourd’hui, remettre à V. M. cette ordonnance bien cachetée, ce n’est pas que je manque de respect pour les ordres de la cour, ce n’est pas que je cherche à périr en vous offensant ; c’est que je n’ose la produire ; c’est que pour l’honneur de V. M. et pour le bien de son État, je crains infiniment que le public n’en ait connaissance. Ce que j’en sais, et ce que j’en dis, ce n’est point pour me faire valoir, ni pour vous vanter mon zèle. Daignez examiner vous-même, quel autre motif pourrait m’engager à ces remontrances réitérées, malgré le danger auquel elles m’exposent.


L’empereur Cang hi loue fort les deux remontrances de Ouang kia, surtout celle que j’ai traduite. On cite aussi divers auteurs, les uns morts, les autres vivants, qui louent cette pièce. Ouang kia périt, non pas précisément pour ces remontrances, mais pour quelque autre affaire que la vengeance de Tong hien lui suscita, il fut mis en prison, et il s’y laissa, dit-on, mourir de faim. Son triste sort, dit Tching te sieou, ferma la bouche à ce qui restait de gens zélés.


Sous le même empereur Ngai ti, Tan yu prince tartare au nord-ouest de la Chine, écrivit une lettre de soumission, par laquelle il demandait l’agrément de sa Majesté, pour venir en personne lui rendre hommage. La plus grande partie des ministres et des conseillers d’État, regardèrent cette demande comme une occasion de faire de gros frais qu’ils jugeaient assez inutiles. Yang yong fut d’un avis contraire, et présenta sur cela une remontrance à l’empereur. Il y déduit fort au long tous les embarras que ces peuples ont donné depuis les Tsin. Il représente que c’est en même temps un honneur et un avantage pour la Chine, que ces peuples se soumettent. Il ajoute qu’on ne peut rejeter la proposition de Tan yu sans l’irriter ; et qu’on ne peut l’irriter, sans que l’empire s’en ressente longtemps. L’empereur sur cette remontrance, accepta la proposition de Tan yu, et lui envoya l’agrément

  1. De la piété filiale par Confucius.