Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/617

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Sous Tching ti, à l’occasion de quelques phénomènes extraordinaires, un prétendu astrologue proposa d’envoyer une grosse armée contre les Barbares du nord ; il ajouta que quand l’armée serait en état, le premier officier considérable qui ferait quelque faute, il le fallait faire mourir ; que par là on imprimerait du respect aux autres ; qu’on répandrait la terreur chez les barbares ; qu’on détournerait les mauvais augures, et que tout réussirait. Tching ti donnant à demi dans ce projet, demanda à Ouang kia ce qu’il en pensait. Celui-ci répondit par écrit en ces termes.


Ce n’est point par des paroles, mais par des actions de vertu, qu’il faut chercher à toucher et à gagner le cœur des peuples. C’est par une vertu réelle et solide, et non par de beaux dehors, qu’il faut répondre et obéir à Tien. Non, il n’est pas permis, et il est encore moins facile d’imposer au petit peuple. Bien moins est-il permis ou possible de tromper Chang tien, et d’échapper à ses pénétrantes lumières[1]. Quand il fait paraître des phénomènes extraordinaires, c’est pour retenir les princes dans le devoir, ou bien pour les y rappeler. S’ils profitent de cet avis, et qu’ils pratiquent tout de bon la vertu, le cœur des peuples est content, et Tien a ce qu’il prétend.

Pour ce qui est de ce que disent certains discoureurs, qui prennent occasion de tout pour se faire valoir, et qui prétendent voir dans les astres, la nécessité et le succès de ces expéditions contre nos voisins, je suis bien éloigné de trouver dans leurs discours la vraie manière de répondre et d’obéir à Tien. Il me semble y voir au contraire les tristes préliminaires des plus funestes révolutions. Rien de plus effrayant, il est vrai, que de voir un officier considérable, traîné pour la moindre faute les mains liées derrière le dos, et venir à la porte du palais subir le plus honteux supplice. Mais cet appareil de terreur empêcherait-il qu’on ne dît avec vérité, qu’il

  1. L’expression chinoise du sens est Chin, qui signifie esprit, spirituel, excellent et impénétrable tout ensemble.