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Mais cette dynastie elle-même nous fournit un exemple encore plus récent : dès la seconde génération elle se vit prête à périr. Les Liu, que la faveur de l’impératrice issue de cette maison, avait rendus excessivement riches et puissants, s’étaient emparés du gouvernement. Il n’y avait d’honneurs et d’emplois que pour eux, ou bien pour leurs créatures. Ils avaient le commandement des troupes, tant du nord que du midi ; leur orgueil et leur fierté allait encore plus loin que leur pouvoir. Ils n’avaient plus qu’un pas à faire, pour monter sur le trône : ils se disposaient à le faire, quand les heou de Kiang et de Tchu hi, soutenus de quelques autres de leur caractère, avec un zèle et un courage digne d’eux, s’opposèrent aux Liu, les exterminèrent, et assurèrent le trône aux Lieou[1].

Les Ouang[2] sont aujourd’hui ce que les Liu étaient alors. On en compte jusqu’à vingt-trois qui sont élevés aux plus grands honneurs. Un d’eux, généralissime de vos troupes, dispose de tout en maître, et comme il lui plaît. Cinq autres qui sont de cette même famille de Lieou, portent le faste et l’insolence au plus haut point. Ils couvrent souvent du prétexte du bien public leur cupidité, leurs violences, et quelquefois même les passions les plus basses et les plus honteuses. Quand ce prétexte ne peut avoir lieu, leur ressource est le nom de l’impératrice et le vôtre. Ils font sentir ce qu’ils lui sont, et ce qu’elle vous est, et sous ce titre ils osent tout. Il n’y a dans les premières charges des grands tribunaux que des gens de leur main. Est-on de leur cabale, les applaudit-on ? On monte bientôt aux premiers emplois. Témoigne-t-on n’en vouloir pas être ? On ressent bientôt les effets de leur vengeance. Heureux celui auquel il n’en coûte pas la vie. Ils ont à leurs gages une troupe de grands parleurs, qui ne cessent de les prôner partout. Vos ministres mêmes sont dans leurs intérêts.

Voilà dans la vérité, grand Prince, voilà sur quel pied sont les Ouang, tandis que les princes de votre maison sont dans l’oubli. On a soin d’éloigner par mille artifices, ceux d’entr’eux en qui l’on sent du mérite. On vous rappelle souvent, pour vous inspirer de la défiance à leur égard, les exemples des princes de Yen[3] et de Kai tchi ; mais on évite de vous parler des Liu[4] et des Ho. Enfin, jamais le hoang fou sous les Tcheou ; jamais le heou de Yang sous les Tsin ; jamais les Liu, et les Ho sous les Han vos prédécesseurs, n’ont été à un si haut point de crédit et de puissance, que le sont les Ouang sous votre règne. Un même État ne souffre point deux puissances si extrêmes. Ou votre maison est dans le dernier danger, ou celle des Ouang doit périr. Souvenez-vous de qui vous descendez. Ne serait-il pas honteux pour vous de laisser passer l’empire à de simples alliés, et de réduire à la plus vile condition ceux qui sont de votre sang ? Si vous

  1. C'est le nom de la famille dont la dynastie fut surnommée Han.
  2. Nom d'une famille dont était l'impératrice, épouse de l'empereur Tching ti.
  3. Deux princes de la maison régnante, lesquels avaient causé quelques troubles.
  4. Deux familles, dont chacune avait eu une impératrice, et qui avaient abusé de leur trop grand pouvoir.