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Sous l’empereur Suen ti, comme on délibérait des moyens de pourvoir aux armées sur les frontières, Tchang tchang proposa d’accorder aux criminels, dont néanmoins quelques-uns étaient exceptés, le pouvoir de se racheter en fournissant une certaine quantité de grain. Siao hoang tchi fit sur cela la remontrance suivante.


Les peuples ont en même temps dans le cœur deux principes bien différents, l’un de bien, l’autre de mal. Ils ont un fond de bonté et de justice ; mais ils ont aussi un fond de cupidité et d’intérêt, contre lequel ils ont besoin d’être soutenus par l’instruction et par les lois. Yao, tout Yao qu’il était, ne vint point à bout pendant son règne d’extirper du cœur de ses sujets, toute passion et tout intérêt : mais il sut faire en sorte que la passion et l’intérêt cédassent à la raison et à l’équité. Sous le funeste règne de Kié, la corruption quoiqu’extrême, n’avait point entièrement étouffé dans le cœur des peuples, les principes de vertu et d’équité ; mais la cupidité l’emportait. Voilà proprement la différence de ces deux règnes : différence à laquelle ceux qui sont chargés du gouvernement ne sauraient faire trop d’attention.

On propose à V. M. de permettre aux coupables convaincus de crimes, de se racheter par une certaine quantité de grains. C’est ce que je ne puis approuver. Quoi ! de deux hommes également coupables de mort, l’un mourra parce qu’il est pauvre, l’autre aura la vie parce qu’il est riche ? La grièveté des crimes ne sera donc plus l’unique règle des châtiments ? La pauvreté et les richesses en feront partie ? Voilà donc désormais comme deux lois, où il n’y en avait qu’une. C’est un désordre dont un autre s’ensuivra infailliblement. Car, quand on saura cette innovation, quel est le fils, quel est le frère, qui, pour racheter la vie de son père, de son aîné, ou de quelque autre de ses proches, ne tentera pas toutes les voies imaginables d’avoir de quoi les sauver ? L’espérance d’y réussir les aveuglera sur leur propre danger. De là combien de nouveaux crimes ! Pour un homme à qui l’argent sauvera la vie, il y en aura dix qui la perdront dans les supplices. C’est affaiblir en même temps et l’amour de la vertu, et la force de nos lois. Or ces bases du gouvernement étant une fois ruinées, je doute fort que vos ministres, valussent-ils Tcheou kong et Tchao kong, pussent ensuite les rétablir.

Dans l’antiquité, les greniers du prince étaient chez tous ses sujets. Manquait-il ? il y trouvait de quoi fournir aux besoins pressants. N’y avait-il point de ces besoins ? Il laissait les peuples dans l’abondance. Nous lisons