Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/604

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Autrefois Tchao kong prince de Lou, quand on lui exposait les droits de l’empereur, pour lui inspirer le respect dû à son souverain ; que fais-je de contraire, disait-il ? Lui seul était aveugle sur sa conduite. Aujourd’hui que de gens l’imitent ! Le ta fou tranche du tchu heou, le tchu heou fait le petit empereur, et l’empereur lui-même passe bien au-delà de ce que la raison prescrit. Le mal est grand, et peut déjà passer pour invétéré. S’il y a du remède à un si grand mal, il n’y a que vous, prince, qui puissiez l’apporter. Si l’antiquité peut revivre, ce doit être par vos exemples. Je dis, si l’antiquité peut revivre ; car, suivant le peu de lumières que j’ai, il me paraît comme impossible de rétablir les choses sur l’ancien pied. Mais du moins faut-il s’en rapprocher.

Pour ce qui regarde votre palais, tel qu’il est, c’est une chose faite ; vous pouvez n’y pas toucher. Mais vous trouverez, si vous voulez, assez de quoi retrancher sur d’autres choses. Autrefois comme aujourd’hui, c’était dans le royaume de Tsi qu’on travaillait aux étoffes et aux habits pour la cour. Il y avait pour cela précisément trois officiers députés, et ils suffisaient de reste ; car ces étoffes et ces habits ne montaient qu’à dix grandes balles. Aujourd’hui ces étoffes occupent dans le même royaume des officiers et des ouvriers sans nombre. Cette seule dépense va par an à quelques dizaines de ouan[1]. C’est à Chou, et à Quang han, que se travaillent pour la cour les meubles d’or et d’argent. Il va à cela, de compte fait, cinq cents ouan par an. Cinq mille ouan par an vont à entretenir à votre cour les intendants de vos ouvrages, et les ouvriers qu’ils emploient, soit pour vous, soit pour la reine ; vous nourrissez dans vos écuries près de dix mille chevaux : ils consomment bien du grain. Il sort fréquemment de chez la reine, (je l’ai vu moi-même plus d’une fois) des tables non seulement riches et bien servies ; mais chargées de vaisselles d’or et d’argent. Ce sont les présents qu’elle fait aux uns et aux autres, et souvent à des gens qu’il ne convient point de traiter avec tant d’honneur. A quoi se montent les dépenses que fait la reine ? Je ne puis le dire au juste ; mais certainement elle est très grande. Cependant le peuple est dans la misère. Un grand nombre de vos pauvres sujets meurent de faim. Plusieurs demeurant sans sépulture, servent de curée aux chiens ; et cela, pendant que vos écuries sont pleines de chevaux nourris de grains, si gras et si fringants la plupart, que soit pour dissiper leur graisse, soit aussi pour les dompter, on est obligé chaque jour de les fatiguer un peu. Les choses doivent-elles aller ainsi sous un prince, que Tien en le mettant sur le trône, a établi le père et la mère des peuples ? Ce Tien est-il donc aveugle ?

C’est proprement sous Vou ti qu’ont commencé les dépenses excessives[2]. Il ramassa de tout l’empire ce qu’il put de belles filles, dont il remplit son palais, L’on en compta jusqu’à quelques mille. Sous Tchao ti jeune et faible, Ho quang avait toute l’autorité. Ce Ho quang était un homme qui ne connaissait ni la raison, ni les rits. Après avoir fait dans le palais un amas

  1. Un ouan, c'est dix-mille onces d'argent.
  2. Cela ne s'entend que par rapport à la dynastie Han.