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vous y conformer. Si vous le faites, comme je n’en doute point, vous en retirerez les plus grands avantages, vous contenterez le cœur paternel de Sa Majesté, on ne verra plus de divisions parmi vous, vous épargnerez aux mandarins la peine de multiplier les arrêts et les supplices, vous procurerez à l’empire le calme et la tranquillité. Quand vous serez de retour chacun chez vous, appliquez-vous sérieusement à la pratique d’une doctrine si utile. »

Telle est la manière, dont les mandarins instruisent deux fois chaque mois le peuple aux bonnes mœurs : c’est une partie si essentielle à son ministère que si l’on commettait dans son département des crimes d’une certaine espèce, on l’en rend responsable.


Obligation pour les mandarins de découvrir les voleurs.

Quand dans une ville il s’est commis un vol ou un assassinat, il faut qu’il découvre les voleurs ou les assassins, autrement il est destitué de sa charge. S’il se commettait un crime énorme, comme par exemple, si un fils était assez dénaturé pour tuer son père, le crime n’est pas plutôt déféré aux tribunaux de la cour, qu’on dépouille de leurs emplois tous les mandarins du département. C’est leur faute, dit-on : ce malheur ne serait pas arrivé, s’ils avaient veillé avec plus de soin aux bonnes mœurs. Il y a pareillement des cas extraordinaires, où par la même raison, on punit de mort les parents avec les enfants coupables.


Éloge des lois chinoises.

Rien ne serait comparable au bel ordre, que les lois chinoises ont établies pour le gouvernement de l’empire, si tous les mandarins, au lieu de suivre leurs passions, se conformaient à des lois si sages ; et l’on peut dire qu’il n’y aurait point d’État plus heureux ; mais comme parmi un si grand nombre, il s’en trouve toujours, qui bornent leur félicité aux biens de la vie présente, et à tout ce qui peut la rendre commode et agréable, ils font quelquefois peu de scrupule de ne pas suivre les lois les plus sacrées de la raison et de la justice, et de les sacrifier à leur propre intérêt.

Il n’y a point de ruses, ni d’artifices, auxquels quelques officiers inférieurs n’aient recours, pour tromper les mandarins supérieurs ; et parmi ceux-ci il ne laisse pas de s’en trouver, qui tâchent d’en imposer aux tribunaux suprêmes de la cour, et même de surprendre l’empereur. Ils savent si bien couvrir leurs passions, sous les expressions les plus humbles et les plus flatteuses ; et ils affectent, dans les mémoires qu’ils présentent, un tel air de désintéressement qu’il es difficile que le prince ne prenne souvent le mensonge pour la vérité.

D’ailleurs comme leurs appointements ne suffisent pas toujours pour entretenir leur faste et leur luxe, les injustices, pourvu qu’elles soient secrètes, ne leur coûtent guère : on a vu des ministres d’État, des premiers présidents des Cours souveraines, rançonner sous main les vicerois des provinces : et ceux-ci, forcés de se dédommager de la même manière sur leurs subalternes, ne manquent pas de tirer sur les peuples de quoi fournir à ces frais.


Injustices des mandarins.

Les lois ont prévu ce désordre, en y remédiant par diverses précautions, qui retiennent les mandarins dans le devoir, et qui mettent le peuple à l’abri des vexations. L’empereur régnant y a encore remédié plus efficacement,