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A l’occasion d’une éclipse de soleil et d’un tremblement de terre, l’empereur Yuen ti publia une déclaration, par laquelle il ordonnait qu’on lui exposât les défauts du gouvernement ; Quang hong qui était alors po se, présenta un discours à l’empereur ou il lui disait ce qui suit.


Prince ! Voici quelles sont aujourd’hui les mœurs de votre empire. On y fait grand cas des richesses, mais fort peu de la vertu. Le désintéressement, la pudeur, la tempérance sont très rares, principalement à la cour. Les lois les plus naturelles et les plus communes y sont renversées. L’alliance l’emporte sur le sang. Vos plus proches ne sont rien en comparaison de certains alliés assez éloignés : parmi vos ministres et vos officiers, le grand nombre est de gens qui ne s’étudient qu’à une complaisance affectée, et qui ne pensent qu’à profiter de vos faveurs pour s’enrichir. Voilà, où en sont les choses. Telle est la source des maux qui affligent votre État. C’est à quoi il faut penser pour y remédier ; sans cela vos amnisties[1] sont fort inutiles.

La cour est communément la règle des mœurs dans un État. Qu’on voie les Grands non seulement vivre bien ensemble, mais se prévenir mutuellement, et se céder dans les occasions ; bientôt les disputes et les querelles seront rares parmi le peuple. Que les Grands soient tous charitables et libéraux, les larcins et les violences cesseront. Enfin que la justice, la tempérance, la modestie, la douceur, règnent à la cour ; bientôt l’union régnera parmi les peuples, ils s’exciteront mutuellement à suivre ces beaux exemples. C’est par cette voie que nos plus sages princes, presque sans user d’aucune sévérité, ont fait fleurir la vertu. Que si les vices règnent à la cour, de là ils se répandent dans tout l’empire avec tant de facilité, que s’il y a seulement parmi le peuple de la froideur[2] et quelque mésintelligence, ce ne sera plus que disputes et querelles. Si la fierté règne dans les Grands, l’insolence règnera parmi les petits ; si on voit de grands officiers affecter de se rendre maîtres, abuser de leur faveur, et trafiquer de l’autorité du prince à son insu, bientôt ce ne sera parmi les peuples que vols, que brigandages, que factions. Or aujourd’hui, etc.[3].

  1. A l’occasion de quelque événement singulier les empereurs pardonnaient à certains coupables. Cela se pratique encore, et s’appelle Ta che, grand pardon.
  2. Le chinois dit, changement de couleur.
  3. Il répète là plus au long ce qu’il a dit au commencement des mœurs de la cour, puis il poursuit.